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Catherine

L'essence de la sagesse

Le vieux roi était mort trop tôt. Son jeune fils n'était pas mûr.

Il monta sur le trône ; inquiet d'être aussi peu formé pour la charge qui lui incombait. Il avait cette pénible impression que la couronne lui glissait de la tête, qu'elle était trop large et trop pesante.

Il osa le dire. Les conseillers furent rassurés, ils pensèrent :

- Sa conscience de ne pas savoir, de ne pas être prêt, le prédispose à être un bon roi, capable de prendre conseil, d'écouter les suggestions sans se précipiter pour décider, de reconnaître une erreur et d'accepter de la corriger. Réjouissons-nous pour le royaume.

Lui, soucieux de s'instruire, fît venir tous les hommes savants du royaume : érudits, moines et sages avérés. Il en prît pour conseillers et demanda aux autres de partir partout dans le monde pour quérir et rapporter toute la science connue à son époque afin d'en retirer la connaissance, voir la sagesse.

Certains partirent aussi loin que la terre pouvait les porter, d'autres empruntèrent des voies maritimes jusqu'aux confins de l'horizon. Ils revinrent seize ans plus tard, chargés de rouleaux, de livres, de sceaux et de symboles. Le palais était vaste. Il ne put pourtant contenir une aussi prodigieuse abondance de science.

A lui seul, celui qui revenait de Chine avait rapporté, sur d'innombrables dromadaires, les vingt-trois mille volumes de l'encyclopédie Cang-Xi, ainsi que les œuvres de Lao Tseu, Confucius, Mencius et de bien d'autres, tant renommés que méconnus !

Le roi parcourut à cheval la cité du savoir qu'il avait dû faire construire pour recevoir cette abondance. Il fut satisfait de ses messagers, mais comprit qu'une seule vie ne pourrait suffire pour tout lire, tout comprendre. Il demanda donc aux lettrés de lire les livres à sa place, d'en tirer la moelle essentielle et de rédiger, pour chaque science, un ouvrage compréhensible.

Dix-huit années passèrent avant que les lettrés puissent remettre au roi une bibliothèque constituée des seuls résumés de toute la science humaine. Le roi parcourut à pied l'immense bibliothèque ainsi constituée.

Il n'était plus tout jeune, voyait la vieillesse arriver à grands pas, et comprit qu'il n'aurait pas le temps en cette vie de lire et assimiler tout cela. Il demanda donc aux lettrés qui avaient étudié ces textes de ne produire qu'un seul article par science, en allant droit à l'essentiel.

Dix-sept années passèrent avant que tous les articles soient prêts car nombre des lettrés qui étaient partis au bout du monde collecter toute cette science étaient morts désormais, et les jeunes lettrés qui reprenaient l'ouvrage en cours devaient préalablement tout relire avant de produire un article.

Enfin, un livre en plusieurs volumes fut remis au vieux roi, alité, malade. Il pria chacun de résumer rapidement son article en une phrase. Résumer une science en peu de mots n'est pas chose aisée. Huit années encore furent nécessaires. Un seul livre fût conçu qui contenait une phrase sur chacune des sciences et des sagesses étudiées.

Au vieux conseiller qui lui apportait le livre, le roi mourant murmura :

- Dites-moi une seule phrase qui résume tout ce savoir, toute cette sagesse. Une seule phrase avant ma mort.

- Sire, dit le conseiller, toute la sagesse du monde tient en deux mots : Vivre l'instant.

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