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Catherine

Demain

Sur la place du village, des enfants, des mamans, un sans-logis bavard et un petit qui tiens à peine sur ses jambes neuves.

L'heure est douce. L'homme dégoise, gentiment, tristement, intense et bien présent à travers ses buées d'alcool. Il rabâche à une grand-mère qui coud et l'écoute :

- Tu vois, moi, tous les jours j'ai peur. J'ai froid, j'ai faim, j'ai soif.

Puis, ses mains en serres d'aigle :

- Les hommes sont cruels, tu sais, ils sont méchants, ils prennent, ils sont méchants. Ils sont méchants ! Voilà ! Ils sont méchants !

Du talon, à terre il dessine une marque dans la poussière.

- Tu vois, là, c'est aujourd'hui.

Il en dessine une autre un mètre plus loin.

- Tu vois, là c'est demain. Moi, pour aller de là à là, j'ai peur, je ne sais jamais si j'irai, si je pourrai, si j'aurai le courage.

Il le répète comme un cri de détresse, puis du regard lance un appel qui reste ainsi suspendu dans un long silence.

Soudain, la vieille range ses aiguilles, se lève et va poser la pointe de son pied sur la marque de demain :

- Il faut que je m'en aille. Mais demain, n'oublie pas, c'est là que tu sautes et que tu vas, d'accord ?

Il la regarde s'éloigner, bouche bée d'un "Oh" qui le poussera jusqu'à demain.

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