Il était une fois un homme perdu. Depuis des années, il vivait de razzias, de rapines, de massacres, de vols. Il était farouchement cruel, sans pitié, malade d'une folle rage. C'était un homme perdu, un homme en ruine.
Un jour qu'il cherchait il n'aurait su dire quoi au juste, l'idée lui vint d'aller en haut du grand pierrier trouver l'ermite, qui n'avait rien à voler dans sa cabane sinon une litière de feuilles sèches, pour lui demander peut-être un espoir, un pardon.
Le vieil homme l'écouta.
Puis il lui sourit, et, lui montrant un arbre sans vie, calciné par la foudre, lui dit :
- Tu vois, là, ce vieil arbre mort ? Tu seras pardonné quand il refleurira.
- Autrement dit jamais ! Alors à quoi bon, vieil homme ? Autant retourner à mes saccages.
Et l'homme redescend, dévale et lance ses godillots insensés sur les cailloux. Il repart pour son dur travail, là où il ne sait faire que ça. Pendant des années encore, il s'use et s'acharne à semer le malheur, la peur et la haine.
Un soir qu'il avance pour se poser dans un lieu isolé, désolé, il trouve là une femme qui a rassemblé sa marmaille affamée autour d'un chaudron. Il s'avance et soulève le couvercle.
Le chaudron est plein de pierres et la femme chante une berceuse :
- Dormez, mes petits. Dormez jusqu'à demain. Maman vous fait la soupe. Dormez encore un peu. Dormez jusqu'à demain.
L'homme hausse les épaules, renverse le chaudron des pierres qui le remplissent, y jette, après l'avoir coupé en morceaux, la viande du mouton qu'il a volé aujourd'hui.
Il prend soin de raviver le feu sous le chaudron et s'en va en pleurant sur une telle misère.
C'est ce jour-là que le vieil arbre mort a refleuri.