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Catherine

La valeur de chacun

Un jour, un jeune disciple alla trouver son maître :

- Je viens vous voir maître, parce que j’ai l’impression d’avoir si peu d’importance que cela m’ôte toute envie de faire quoi que ce soit. Tout le monde me dit que je suis un bon à rien, que je suis maladroit et stupide. Comment puis-je m’améliorer ? Comment m’y prendre pour être mieux considéré ?

Le maître, sans le regarder lui dit :

- Je suis vraiment désolé mon enfant, je ne peux t’aider pour le moment car je dois d’abord résoudre un problème personnel. Peut-être plus tard.

Après une pause, il ajouta :

- Si tu voulais m’aider, toi, je résoudrais ce problème plus vite, et, ensuite, peut-être, pourrais-je te venir en aide.

– Euh… j’en serai ravi, maître, bredouilla le jeune homme en ayant de nouveau le sentiment qu’on ne lui accordait que peu d’importance et qu’on remettait ses propres besoins à plus tard.

Le maître poursuivit :

– Bien.

Il retira une bague qu’il portait au petit doigt de la main gauche et, la donnant au jeune homme, il ajouta :

– Prends mon cheval et va jusqu’au marché. Je dois vendre cette bague pour rembourser une dette. Il te faut en obtenir la plus grosse somme possible et, de toute façon, pas moins d’une pièce d’or. Va-t'en et reviens avec cette pièce aussi vite que tu pourras.

Le garçon prit la bague et s’en fut. Aussitôt arrivé sur le marché, il se mit en devoir de la proposer aux marchands ; ceux-ci la regardaient avec intérêt, jusqu’à ce qu’il annonce le prix qu’il en demandait. Dès qu’il mentionnait la pièce d’or, certains ricanaient, d’autres détournaient la tête, seul un vieillard fut assez aimable pour prendre la peine de lui expliquer qu’une pièce d’or était à ses yeux bien trop précieuse pour l’échanger contre cette bague.

Désirant lui venir en aide, quelqu’un alla jusqu’à lui en offrir une pièce d’argent, et ajouta même un récipient en cuivre, mais le garçon avait des ordres stricts : ne pouvant accepter moins d’une pièce d’or, il rejeta l’offre.

Abattu par son échec, après avoir vainement proposé le bijou à toutes les personnes qu’il avait croisées sur le marché, il se résolut à enfourcher le cheval et prit le chemin du retour. Ses pensées étaient amères. Comme il aurait aimé avoir une pièce d’or à donner au maître pour le soulager de ses soucis et recevoir son conseil ainsi que son aide !

Il revint donc chez celui-ci :

- Maître, dit-il, je regrette. Il est impossible d’obtenir ce que vous demandez. Peut-être aurai-je pu échanger la bague contre deux ou trois pièces d’argent, mais je ne voudrais tromper personne sur sa valeur véritable.

Le maître répondit en souriant :

– Tu viens de dire une chose très importante, mon jeune ami. Il nous faut d’abord connaître la véritable valeur de cette bague. Reprends le cheval et rends-toi chez le bijoutier. Qui mieux que lui peut l’estimer, en effet ? Dis-lui que tu voudrais la vendre et demande-lui combien il t’en donnerait. Mais surtout, quoi qu’il te propose, ne la lui vends pas. Reviens plutôt ici avec ma bague pour me dire ce qu’il en est.

Le jeune homme entreprit donc une nouvelle chevauchée pour se rendre chez ce bijoutier. Celui-ci examina attentivement la bague à la lumière d’une lampe à huile, puis il la regarda avec sa loupe, la soupesa et finit par dire :

- Mon garçon, dis à ton maître que s’il veut vendre sa bague tout de suite, je ne peux lui en donner plus de cinquante-huit pièces d’or.

– Cinquante-huit pièces d’or ! s’exclama le jeune homme.

– Oui, répliqua le bijoutier. Je sais qu’avec du temps, on pourrait sans doute en obtenir plus de soixante-dix, mais si la vente est pressée…

Tout ému, le garçon courut chez le maître pour lui raconter l’histoire.

- Assieds-toi, lui dit celui-ci après l’avoir écouté. Cette bague est un bijou précieux, unique. En tant que tel, seul peut l’estimer un véritable expert. Pourquoi exiger du premier venu qu’il découvre sa vraie valeur ?

Comprends ainsi, que toi-même, tu es comme cette bague.

Après avoir prononcé ces paroles, il remit la bague au petit doigt de sa main gauche, et retourna tranquillement à ses affaires.

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