top of page
Catherine

Les queues

Brahma, dieu de toute création, avait peu de distraction.

Pour se changer les idées, il aimait avant tout venir sur terre admirer son œuvre : la tranquillité de la forêt, le ruissellement reposant de la rivière, le bleu éclatant du ciel, l'enchantaient. Mais tout cela manquait de vie, de mouvement. Il inventa donc les animaux et leur donna différentes formes.

Ravi de voir tout ce petit monde vivre en harmonie, chacun unique et heureux, un tableau parfait, Brahma s'adressa un jour à l'une de ces nouveautés :

- Araignée, puis qu’ainsi je t'ai baptisée, tu as le don de produire du fil à volonté, tu seras donc mon lien avec la terre. Chaque fois que les animaux souhaiteront me parler, tu viendras me voir et nous converserons.

Brahma, emporté par sa créativité, décida de créer un nouvel animal volant musical et lui donna le nom de moustique, sûr que celui-ci serait bien accueilli par les autres animaux. Cela fut le cas au début :

- Tiens, quelle jolie et agréable petite musique ! s'exclama le cheval.

- C'est drôle d'entendre un son pareil dans un tel calme, dit l'hippopotame.

Cependant, en très peu de temps, cela tourna au cauchemar :

- Allez, dit le bœuf au moustique, va faire du bruit ailleurs que dans mes oreilles !

- Ça suffit, grogna le singe, va jouer loin de mes yeux !

Furieux d'être ainsi rejeté, le moustique piqua le singe, aspira et trouva le sang délicieux. La guerre était déclarée. Les moustiques se mirent à piquer tout le monde, cela devint vite insupportable. Et comme ils se reproduisaient à une vitesse impressionnante, personne n'était épargné.

Excédés, les animaux tinrent conseil et décidèrent d'envoyer l'araignée pour se plaindre auprès de Brahma. Celui-ci écouta les plaintes de ses créatures et promit de trouver une solution. Il pensa à une queue. En la faisant bouger, les animaux pourraient chasser les moustiques !

Il appela l'araignée et lui dit :

- J'ai trouvé la solution : dis à mes créatures de se présenter demain, jour de pleine lune, dans la grotte où l'on trouve refuge les jours de pluie. Il y aura une distribution de queues et chacun choisira celle qui lui convient.

Le lendemain soir, tous les animaux se retrouvèrent dans la grotte et chacun se choisit une queue. Sauf le lapin, car malgré les insistances de ses amis, il avait préféré rester croquer quelques trèfles.

La nuit vint et le lapin s'inquiéta tout de même un peu. Par chance, il aperçut le renard :

- Renard, où cours tu si vite ?

- Je cours vers la grotte pour aller me chercher une queue ! répondit le renard.

- Tu veux bien en prendre une pour moi ? supplia le lapin.

- Entendu, lança le renard en poursuivant sa course.

- Merci mon ami, je te le revaudrai, dit le lapin.

Toutefois, le renard arriva si tard à la grotte qu'il ne trouva plus qu'une queue qui, par chance, lui convenait.

- Parfait ! Mais pour le lapin, quelle queue vais-je pouvoir lui ramener ?

Cherchant désespérément dans toute la grotte, il finit par apercevoir une petite boule de poils qui traînait dans un coin et s'en saisit. Il retourna vers la forêt et retrouva le lapin.

- Tiens, lui dit-il. C'est tout ce qui restait.

- Mais que tu veux que je fasse de ça ? Ça ne changera rien pour les moustiques ! s'exclama le lapin.

Le renard, vexé, lui répondit :

- Voilà une leçon pour toi : tu apprendras désormais qu'on n'est jamais si bien servi que par soi-même.

bottom of page