Deux moines avaient rendez-vous le soir même au temple sur la montagne.
Retardés par un couple de paysans qui leur avait demandé de bénir leur fils nouveau-né, leur maison et le troupeau, ils se trouvaient maintenant à la lisière de la forêt et déjà la nuit tombait.
L'un des deux moines était aveugle et son compagnon le guidait :
- Ne crains rien, dit le moine éclaireur, nous allons devoir traverser la forêt où vit selon une vieille légende une sorcière mais j'ouvre l’œil et je te protégerai contre tous les dangers.
Il ajouta d'une voix qu'il raffermissait :
- Tiens mon bras et avançons hardiment !
Les deux moines parvenaient au cœur de la forêt, quand surgit soudain d'un fourré une vieille et effrayante sorcière édentée : immense, avec de grandes narines, un nez monstrueux, des yeux injectés de sang où semblaient tournoyer des roues de feu, sa langue pendait jusqu'à sa taille. Elle avait de très longs bras de squelette terminés par des griffes et ses pieds velus frappaient le sol avec rage.
Le moine qui servait de guide se mit à trembler de tous son corps.
L'autre le sentant défaillir lui demanda :
- Mais qu'as-tu, mon frère, je n'entends plus ta voix et je te sens chanceler contre moi ? Parle-moi, je t'en prie !
Le moine voyant, paralysé de terreur, ne pouvais émettre aucun son et la sorcière avançait toujours, tendant vers les deux moines ses griffes acérées.
- Je sens que tu n'es pas bien, dit l'aveugle. Je ne comprends pas pourquoi mais laisses-moi te soutenir et te guider à mon tour, appuies-toi sur moi !
D'un pas ferme, l'aveugle entraîna son compagnon en direction de la sorcière. Stupéfaite, la sorcière vit les deux moines s'avancer droit sur elle. Ils ne manifestaient apparemment aucune peur et semblaient indifférents à son aspect effroyable.
Elle foudroya les hommes de son regard incandescent en ouvrant et fermant ses griffes menaçantes. En vain. Entraînés d'une main ferme par l'aveugle, les deux moines avançaient toujours.
La sorcière, vaincue, s'évanouit dans les airs.