Un sage décida un jour de partir pour un lieu saint où se soudent en une même eau la Varuna et le Gange.
C’était un trajet assez long et il lui faudrait bien une semaine pour ce voyage. Or, cet homme avait la charge d’entretenir un feu sacré qui, sous aucun prétexte, ne devait être éteint car il brûlait depuis plus de mille ans.
Il décida donc d'en confier la surveillance à son jeune disciple. Avant de partir, le sage fit de nombreuses recommandations à l’enfant, insistant toujours sur la nécessité absolue de ne pas laisser mourir le feu sacré.
- Si jamais par malheur tu laissais le feu s’éteindre, tu dois le rallumer aussitôt car le feu est dans le bois.
Le premier jour, le jeune homme fit très attention à son feu. À chaque instant il l’alimentait avec de petites brindilles, puis, lorsque la flamme montait vive et claire, il ajoutait des bûches fendues. Il ne dormit pas la première nuit pour faire en sorte que son feu reste toujours ardent.
Le deuxième jour, il commença à ressentir la fatigue d’une nuit sans sommeil et s’endormit plusieurs fois près de son feu, se réveillant en sursaut, inquiet lorsque les flammes déclinaient.
Le troisième jour, ses amis vinrent lui proposer une partie de dés.
- Croyez-vous que je puisse abandonner mon feu sacré ? s’il s’éteignait, je serais puni, leur répondit-il.
Ses amis n’insistèrent pas mais revinrent à la charge dès le lendemain et les jours suivants. Un jour, ils lui proposèrent une partie de kho, le jeu des chasseurs, que l’enfant aimait beaucoup.
- Juste une minute alors, je ne dois surtout pas abandonner mon feu, dit le disciple.
Mais la partie était passionnante, l’enfant toucha, esquiva beaucoup et toucha encore plus de camarades. Soudain le jeune garçon se souvint de sa mission. Il se précipita dans le temple et constata avec effroi qu’aucune flamme ne sortait plus du petit entassement de branches. Le feu était éteint. Pris de panique, le jeune homme souffla longtemps dans les cendres, en vain !
- Puisque le feu est dans le bois, pourquoi n’en sort-il plus ? se demanda-t-il.
Il réfléchit longuement afin de trouver une façon efficace de rallumer son feu, très vite comme l’avait prescrit son maître. Il fendit des bûches, émiettant en vain les troncs. Il cassa des branchages, les frotta contre des pierres. Sans résultat. Il pilonna dans un mortier des brindilles pour en faire sortir le feu, mais le feu n’était plus dans le bois. Désespéré, il s’endormit à l’ombre dans un coin du temple car il avait du sommeil en retard.
Le lendemain matin, il fut secoué rudement par le sage en colère.
- Tu es un incapable ! Je t’avais chargé d’une mission de la plus haute importance ! Tu es indigne de ma confiance. Je te chasse ! L’enfant balbutia quelques mots.
- Maître, vous aviez dit que le feu était dans le bois, j’ai cherché partout et je ne l’ai pas trouvé.
Le sage mesura alors son erreur et se radoucit. Il dit au garçon de s’approcher, saisit une planchette de bois tendre et une baguette de bois dur. Il disposa sur celle-ci un peu de brindilles sèches et de paille. Et il tourna très vite entre ses mains la baguette comme s’il voulait percer la planche. Les brindilles fumèrent, une flamme timide apparut qui rapidement s’éleva en une belle torsade lumineuse. Du bois sortait la flamme. Le jeune garçon regardait ébahi.
- Tu savais sans savoir, dit le sage. Oui, le feu est dans le bois comme il est dans l’homme et il faut l’énergie de l’homme pour qu’il jaillisse du bois.