Il y a bien longtemps un roi possédait un magnifique éléphant.
Il l’aimait beaucoup et le laissait libre tous de ses mouvements. L’éléphant allait partout : traversant les champs et les jardins, il causait sur son passage des dégâts considérables.
La population se taisait, n’osant protester auprès du souverain par peur de le contrarier.
Or, un jour, un paysan, qui venait d’assister au saccage de son champ de riz, son bien unique, dit à ses compatriotes :
– Mes frères, soyons courageux et allons voir le roi tous ensemble pour lui dire que son éléphant nous fait du mal. Qu'il nous ruine en détruisant nos cultures et que nous allons finir par mourir de faim.
– Mais lequel d’entre nous sera assez fou pour s’adresser au roi ? demandèrent les gens, craintifs.
L'homme réfléchit un instant et déclara :
- Puisque vous avez peur, je parlerai le premier. Je dirai : Sire, sauf votre respect, votre éléphant... et vous, à l’unisson, vous poursuivrez : nous fait du mal.
Ainsi, personne ne sera mis en avant et si nous devions encourir la colère du roi, nous la subirions tous.
Quand le roi apparut sur son balcon et fit signe au peuple rassemblé à ses pieds de présenter ses doléances, le courageux prit la parole :
– Sire, sauf votre respect, votre éléphant...
Le peuple demeura muet, et la suite de la phrase ne vint pas.
– Qu’a-t-il donc, mon éléphant ? s’enquit le roi, les yeux posés sur le jeune homme, qui ne perdit pas contenance.
– Seigneur, sauf votre respect, votre éléphant... reprit-il en se retournant vers ses compagnons qui, tête basse, semblaient avoir perdu l’usage de la parole.
Le roi s'exclama :
– Parle donc ! Qu’as-tu à reprocher à mon éléphant ?
Le paysan se gratta la tête, embarrassé, soupira avec découragement :
– Sire, sauf votre respect, votre éléphant...
Il attendit un moment. Le peuple refusait de parler. Le peuple avait peur de son roi.
– Allons, veux-tu bien parler ! lança le roi avec impatience.
L'homme reprit alors d'une voix raffermie :
– Oui, Sir ! Nous sommes venus vous dire que votre éléphant nous fait le plus grand bien. Nous l’aimons et nous souhaiterions avoir d’autres éléphants pour lui tenir compagnie, une dizaine, au moins. Cela égayera notre pays et nos existences. Et tous vos sujets ici rassemblés, désigna-t-il d'un geste large de la main, sont disposés à participer à leur achat.