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Avertissement des scientifiques du monde à l’Humanité en 2017

Le cri d’alarme de 15 372 scientifiques sur l’état de la planète


Pour la deuxième fois après 25 ans, la communauté scientifique mondiale lance un avertissement, qui est aussi un véritable cri d’alarme à l’ensemble de l’humanité : nous exploitons collectivement la planète d’une manière qu’elle ne peut supporter, le rythme des dégradations que nous infligeons à la biosphère s’est accéléré depuis le premier appel en 1992, et en refusant et reportant par confort matériel ou intellectuel les transformations indispensables, nous sommes en train de scier la branche sur laquelle nous sommes assis, nous condamnant ainsi que nos descendants à de grandes souffrances. Voici en version libre de tout droit et reproductible sans restriction la traduction intégrale de l’appel en français.

Mise en garde des scientifiques à l’humanité : deuxième avertissement


Il y a vingt-cinq ans, l’Union of Concerned Scientists et plus de 1500 scientifiques indépendants, y compris la majorité des lauréats du prix Nobel dans les sciences, ont publié, le 18 novembre 1992, l’Avertissement des scientifiques du monde à l’humanité. Ces chercheurs préoccupés ont enjoint l'humanité d'en finir avec la destruction de l’environnement et ont plaidé qu’un changement radical dans notre gestion de la Terre et de la vie terrestre s’avère nécessaire pour éviter des souffrances humaines à grande échelle. Dans leur manifeste, ils ont montré que les êtres humains étaient sur une trajectoire de collision avec le monde naturel. Ils se sont dit préoccupés par les dommages existants, imminents ou potentiels, infligés à la planète, avec pour conséquence la réduction de la couche d’ozone stratosphérique, les réserves d'eau douce et halieutiques disponible, l’effondrement des pêches, l’extension des zones mortes de l’océan, la perte de forêts, la destruction de la biodiversité, le changement climatique et la croissance indéfinie de la population humaine.


Ces lanceurs d'alerte internationaux avaient indiqué que des changements fondamentaux étaient nécessaires, de toute urgence, pour éviter que les dommages causés par nos modes de vie ne deviennent irréversibles. Les auteurs de la déclaration de 1992 craignaient que l’humanité ne pousse les écosystèmes terrestres au-delà de leurs capacités à soutenir le tissu de la vie. Ils ont décrit notre approche rapide de plusieurs des limites de ce que la planète peut tolérer sans dommage substantiel et irréversible. Les scientifiques ont plaidé pour la stabilisation de la population humaine, en décrivant comment notre nombre important –augmenté de 2 milliards de personnes depuis 1992, soit une augmentation de 35 %– exerce des pressions sur la Terre qui peuvent annuler les efforts pour construire un avenir durable. Ils ont imploré de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), d’éliminer les combustibles fossiles, de réduire la déforestation et d’inverser la tendance à l’effondrement de la biodiversité.


À l’occasion du 25ème anniversaire de leur appel, nous portons aujourd'hui un regard rétrospectif sur cet avertissement afin d’évaluer la réponse que l’humanité y a apportée. Depuis 1992, à l’exception de la stabilisation de la couche d’ozone stratosphérique, l’humanité n’a pas réussi à faire des progrès suffisants dans la résolution générale de ces défis environnementaux qui avaient été prévus et, de façon alarmante, la plupart d’entre eux ont largement empiré.


Particulièrement inquiétante, la trajectoire actuelle du changement climatique est potentiellement catastrophique en raison de la hausse des GES poussée par la combustion des combustibles fossiles, par la déforestation et par la production agricole, en particulier les ruminants pour la consommation de viande. En outre, les activités humaines sont à l'origine d'une nouvelle extinction massive d'espèces animales, le sixième en environ 540 millions d’années, au cours de laquelle de nombreuses formes de vie actuelles pourraient être anéanties ou, tout du moins, condamnées à la disparition d'ici la fin de ce siècle.


L'humanité reçoit désormais un deuxième avertissement, comme le montrent les tendances alarmantes. Nous mettons en péril notre avenir en ne contrôlant pas notre consommation matérielle intense, quoique géographiquement et démographiquement inégale, et en ne prenant pas conscience que la croissance rapide et continue de la population est le principal moteur de nombreuses menaces écologiques et sociales. À défaut de limiter, de façon adéquate, la croissance de la population, de réévaluer les impacts d'une économie enracinée dans la croissance, de réduire les gaz à effet de serre, de développer les énergies renouvelables, de protéger les habitats naturels, de restaurer les écosystèmes, de mettre fin à la défaunation et de lutter contre les espèces exotiques envahissantes, l'humanité ne prend pas les mesures urgentes nécessaires pour préserver la biosphère.


Étant donné que la plupart des dirigeants politiques répondent à la pression, les scientifiques, les influenceurs des médias et les citoyens en général doivent exiger que leurs gouvernements prennent des mesures immédiates.


Il s'agit d'un impératif moral pour les générations actuelles et futures, que ce soit pour l'espèce humaine comme pour les autres espèces. Avec la multiplication d'initiatives citoyennes organisées, les oppositions les plus obstinées peuvent être vaincue et les dirigeants politiques forcés de faire le bon choix. Il est également temps de remettre en question et de modifier nos comportements individuels, y compris en limitant notre propre reproduction, pour assurer le remplacement de la population tout au plus, et en diminuant drastiquement notre consommation de combustibles fossiles, de viande et de bien d'autres ressources.


Le déclin mondial rapide des produits toxiques appauvrissant la couche d'ozone montre que nous pouvons infléchir positivement le cours des choses lorsque nous agissons résolument. Nous avons également fait des progrès significatifs dans la réduction de la pauvreté extrême et de la faim dans le monde.


D'autres progrès remarquables sont également à signaler, comme la baisse rapide du taux de fécondité dans de nombreuses régions du monde, attribuable aux investissements engagés dans l'éducation des filles et des femmes, le recul prometteur de la déforestation dans certaines régions et la croissance rapide du secteur des énergies renouvelables.


Nous avons beaucoup appris depuis 1992. Mais la rapidité avec laquelle se mettent en œuvre les changements nécessaires dans les politiques environnementales, les comportements humains et la résolution des inégalités sociales et économiques mondiales est encore loin d'être suffisante.


Les transitions vers un développement durable -ou vers la soutenabilité- peuvent se dérouler de manières diverses, mais toutes exigent une pression de la société civile, ainsi que des arguments fondés sur des preuves solidement établies, un leadership politique et une compréhension fine des mondes politique et financier. Parmi les mesures efficaces que l’humanité peut mettre en œuvre de manière urgente pour que l'humanité prenne le chemin de la soutenabilité, il faut citer :

- prioriser la mise en place de réserves naturelles interconnectées, bien financées et bien gérées, pour protéger de façon significative les habitats floristiques et faunistiques terrestres, marins, d’eau douce et aériens,

- préserver les services écosystémiques de la nature en stoppant l’artificialisation des forêts, des prairies et des autres habitats naturels,

- restaurer les espaces de vie des plantes à grande échelle, en particulier les paysages forestiers,

- réimplanter les espèces natives dans leurs habitats, en particulier les super-prédateurs, pour rétablir les processus et dynamiques écologiques,

- élaborer et adopter des instruments politiques adéquats pour remédier à la défaunation, au braconnage ainsi qu'à l’exploitation et au trafic d’espèces menacées,

- réduire le gaspillage alimentaire grâce à l’éducation et à de meilleurs réseaux d'approvisionnements et de distribution,

- promouvoir des changements de comportements alimentaires, en particulier vers des aliments à base de plantes,

- réduire davantage les taux de fécondité en veillant à ce que les femmes et les hommes aient accès à l’éducation et aux services volontaires de planification familiale, en particulier là où ces ressources manquent encore,

- renforcer l’éducation en plein air pour les enfants et la connaissance générale des milieux naturels,

- réorienter les investissements financiers et diminuer la consommation matérielle,

- concevoir et promouvoir de nouvelles technologies vertes et adopter massivement les sources d’énergie renouvelables, tout en supprimant progressivement les subventions à la production d’énergie issues des combustibles fossiles,

- réformer notre économie pour réduire les inégalités de richesse et veiller à ce que les prix, la fiscalité et les systèmes incitatifs tiennent compte des coûts réels que les modes de consommation imposent à notre environnement,

- estimer une taille de population humaine scientifiquement défendable et soutenable à long terme, tout en rassemblant les nations et les dirigeants pour soutenir cet objectif vital.


Pour éviter une misère généralisée et une perte de biodiversité catastrophique, l'humanité doit adopter des pratiques alternatives plus soutenables sur le plan environnemental que les pratiques actuelles. Cette recommandation a été bien formulée par les plus grands scientifiques du monde il y a 25 ans, mais, à bien des égards, nous n’avons pas tenu compte de leur avertissement. Bientôt, il sera trop tard pour dévier de notre trajectoire mortifère, et le temps presse...


Nous devons reconnaître, dans notre vie quotidienne comme au sein de nos institutions gouvernementales, que la Terre et toute la vie qu’elle contient est notre seul et unique foyer.

William J. Ripple, Christopher Wolf, Mauro Galetti, Thomas M. Newsome, Mohammed Alamgir, Eileen Crist, Mahmoud I. Mahmoud et William F. Laurance

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