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Khalil Gibran

Le Prophète, le bien et le mal

Voici un livre qui a inspiré beaucoup de générations. Je ne ferais pas d’analyse du livre, il parle de lui-même. Je laisse donc la place au texte. Aujourd'hui, sur le bien et le mal.

Du bien qui est en vous, je peux parler, mais non du mal.

Car qu'est-ce que le mal, sinon le bien torturé par sa propre faim et sa propre soif ?

En vérité, quand le bien est affamé, il cherche sa nourriture même dans de noirs souterrains, et quand il a soif, il boit même les eaux mortes.

Vous êtes bons si vous ne faites qu'un avec vous-mêmes.

Cependant, si vous ne faites pas qu'un avec vous-mêmes, vous n'êtes pas mauvais.

Car une maison divisée n'est pas un antre de brigands, ce n'est qu'une maison divisée.

Et un bateau sans gouvernail peut errer sans but au milieu d'îles périlleuses et cependant ne pas sombrer par le fond.

Vous êtes bons si vous vous efforcez de donner de vous-mêmes.

Cependant vous n'êtes pas mauvais si vous cherchez un profit pour vous-mêmes.

Car quand vous vous efforcez de tirer un profit, vous n'êtes rien d'autre qu’une racine qui s'accroche à la terre et suce son sein.

Il est certain que le fruit ne peut pas dire à la racine : Sois comme moi, mûr et plein, et donnant toujours avec abondance.

Car pour le fruit, donner est un besoin, comme recevoir est un besoin pour la racine.

Vous êtes bons si vous discourez pleinement éveillés.

Cependant vous n'êtes pas mauvais si vous dormez alors que votre langue s'agite sans but.


Et même un discours chancelant peut tonifier une langue sans forces.

Vous êtes bons si vous marchez fermement et d'un pas hardi vers votre but.

Cependant vous n'êtes pas mauvais si vous y allez en boitant.

Même ceux qui boitent ne reculent pas.

Mais vous qui êtes vifs et forts, veillez à ne pas boiter devant les infirmes, prenant cela pour de la gentillesse.

Vous êtes bons par d'innombrables chemins, et vous n'êtes pas mauvais quand vous n'êtes pas bons.

Vous êtes seulement traînards et paresseux.

Dommage que les cerfs ne puissent enseigner la vitesse aux tortues.

Votre bonté repose dans votre désir d'un moi géant : et ce désir est en vous tous.

Mais chez quelques-uns d'entre vous, ce désir est un torrent qui se précipite violemment vers la mer, emportant les secrets des collines et les chants de la forêt.


Et chez d'autres c'est un ruisseau étale qui se perd en angles et en courbes et traîne avant d'atteindre le rivage.

Mais que celui qui désire beaucoup ne dise pas à celui qui désire peu : Pourquoi es-tu lent et hésitant ?

Car celui qui est vraiment bon ne demande pas à celui qui est nu : Où est ton vêtement ", ni au sans-logis : Qu'est-il arrivé à ton logis ?

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