Un grand roi vint voir Bouddha sur le conseil de son premier ministre. C’était un homme soupçonneux, comme le sont les rois et les politiciens, les puissants. Il se rendit chez Bouddha, non par désir de le voir mais par diplomatie. La rumeur publique lui attribuait une certaine hostilité à l’égard du maître. Or le peuple aimait Bouddha.
Il arriva donc en compagnie de son premier ministre et trouva mille moines rassemblés dans le bois où demeurait Bouddha. La peur le saisit. Il tira son épée :
- Dix mille personnes et pas le moindre bruit, chuchota-t-il à son premier ministre. C’est certainement un traquenard.
Le premier ministre se mit à rire :
- Seigneur, vous ne connaissez pas les gens de Bouddha, il n ’y a aucune conspiration contre vous.
Le roi avança prudemment dans le bois, l’épée toujours à la main. Il n’en croyait pas ses yeux : tant de gens calmement assis sous les feuillages dans un silence total. Le bois était paisible comme s’il n’y avait personne. Le roi s’approcha de Bouddha et lui dit :
- Ceci est un miracle. Le tapage de dix personnes est déjà insupportable. Ici, mille personnes et pas un murmure… Que font-ils ? Sont-ils bien vivants ? On dirait des statues !
Bouddha lui répondit :
- Ils font quelque chose, en effet, mais cela n’a rien à voir avec l’extérieur. Ils sont dans leur monde intérieur. Ils ne sont plus dans leur corps, ils sont dans leur être, dans le tréfonds de leur être.
Il n’y a pas mille personnes ici. Il y a une seule et même conscience.