Cela se passa il y a fort longtemps, dans le jardin d’un monastère.
Par un matin ensoleillé d’hiver, les citrons trouvèrent un motif de discorde et commencèrent à se chamailler, en ancien dialecte agrume. Les remarques acides fusaient, des noms de fruits à coque volaient de toutes parts et à un moment donné, des menaces de pression se firent entendre. Le moine qui méditait sous le citronnier dut intervenir avant qu’il y ait un pépin.
- Hé, les citrons, ça suffit maintenant. Un zeste de tenue, s’il vous plaît. Vous vous trouvez dans le jardin d’un monastère. Allez, faites tous zazen avec moi.
- Mais comment fait-on, moine ? demandèrent les citrons, tout déconfits.
Le moine leur montra :
- Voilà, on croise les jambes comme cela, le dos bien droit, la nuque déliée comme légèrement tirée par un fil invisible vers le ciel, le menton un peu rentré. On se tait, on ne fait rien.
En peu de temps les citrons s’étaient bien calmés. A ce moment-là, le moine leur demanda de lever les bras et de se toucher la tête. En tâtant, ils trouvèrent un drôle de truc, un pédoncule, et éclatèrent de rire : ils avaient compris qu’ils se trouvaient sur la même branche…
La mésentente était illusoire, il n’y avait aucune raison de se disputer. Parfaitement semblables, tous reliés, ils faisaient un avec l’arbre et avec l’univers entier.