Il était une fois, dans un petit village, un homme pauvre qui habitait avec sa mère, sa femme et ses six enfants dans la pièce unique d’une minuscule masure.
Ils y vivaient si entassés que l’homme et sa femme se chamaillaient souvent. Les enfants faisaient du bruit et se bagarraient. En hiver, quand les nuits étaient longues et les journées glaciales, la vie était particulièrement difficile. La minuscule masure était envahie par les pleurs et les cris.
Un jour, l’homme pauvre en eut assez. Il courut chez le sage pour lui demander conseil :
- Très sage, s’écria-t-il, ça ne va pas, ça ne va pas du tout. Nous sommes si pauvres que ma mère, ma femme, mes six enfants et moi, nous vivons tous dans une masure minuscule. On se marche dessus et on ne s’entend plus. Aidez-moi. Je ferai tout ce que vous me dirais.
Le sage réfléchit en se caressant la barbe. À la fin, il demanda :
- Dis-moi, mon pauvre ami, tu as bien quelques animaux chez toi, peut-être une poule ou deux ?
- Oui, répondit l’homme. J’ai quelques poules, et aussi un coq et une oie.
- Parfait, dit le sage. Maintenant retourne chez toi, prends tes poules, ton coq et ton oie, fais-les entrer dans ta maison et qu’ils vivent avec vous.
- Entendu, maître, dit l’homme surpris.
L’homme pauvre rentra en hâte. Il sortit les poules, le coq et l’oie du poulailler, et les installa chez lui. Une semaine passa. La vie à la maison était devenue pire. Désormais, aux pleurs et aux querelles, s’ajoutaient les poules caquetantes, les oies cacardant et le coq cocoriquant. Il y avait des plumes dans la soupe. La masure était toujours aussi petite et les enfants grandissaient. Exaspéré, l’homme pauvre courut de nouveau implorer l’aide du sage.
- Très grand maître, s’écria-t-il, vois quel malheur : en plus des pleurs et des querelles, les poules caquètent, l’oie cacarde et le coq ne cesse de faire cocorico ! Il y a même des plumes dans la soupe. Cela ne pourrait pas être pire. Aidez-moi, je vous en prie.
Le sage écouta et réfléchit. À la fin, il demanda :
- Dis-moi, tu n’aurais pas une chèvre par hasard ?
- Oui, j’ai une vieille chèvre, mais elle ne vaut pas grand-chose.
- Excellent, dit le sage. Maintenant retourne chez toi ; prends la chèvre et qu’elle vive avec vous et les autres animaux dans la maison.
- Vous êtes sûr, maître ? s’écria l’homme.
- Allez va, mon ami, et fais tout de suite ce que je te dis.
La tête basse, l’homme pauvre se traîna jusque chez lui. Il fit entrer la chèvre dans sa maison. Une semaine passa. La vie à la maison allait de mal en pis. Désormais, ça pleurait, ça se querellait, ça caquetait, ça cacardait, ça faisait cocorico. Et voilà que la chèvre, déchaînée, chargeait tout le monde à coups de cornes. La masure paraissait encore plus petite et les enfants grandissaient.
Exténué, l’homme pauvre courut à nouveau chez le sage.
- Très sage, au secours ! hurla-t-il. Maintenant la chèvre est déchaînée. Ma vie est un cauchemar.
Le sage écouta et réfléchit. À la fin, il demanda :
- Dis-moi, mon pauvre ami, j’imagine que tu possèdes une vache ; vieille ou jeune, aucune importance.
- Oui, c’est vrai, j’ai une vache, dit le pauvre homme, effrayé.
- Très bien, dit le sage. Maintenant rentre chez toi, prends ta vache et qu’elle vive avec vous et les autres animaux dans ta maison !
- Oh ! non, sûrement pas, maître ! s’écria l’homme.
- Fais-le tout de suite ! dit le sage.
Le cœur serré, traînant les pieds, le pauvre homme rentra chez lui et mit la vache dans sa maison.
- Est-ce que le maître est devenu fou ? se demanda-t-il.
Une semaine passa. La vie à la maison pouvait difficilement être pire. Tout le monde se querellait, la vache piétinait tout. Le pauvre homme se demandait comment il avait pu se mettre dans de tels draps. Désespéré, il courut chercher secours auprès du sage.
- Très sage, cria l’homme, aidez-moi, sauvez-moi, c’est la fin du monde ! La vache piétine tout. Il n’y a même plus la place de respirer. La vie est un enfer !
Le sage écouta et réfléchit. À la fin, il dit :
- Pauvre malheureux, maintenant rentre chez toi et fais sortir tous les animaux de ta maison.
- Oui, oui, dit l’homme, j’y vais tout de suite.
Il se précipita chez lui et fit sortir de sa maison la vache, la chèvre, les poules, le coq et l’oie. Cette nuit-là, toute la famille dormit paisiblement. Plus d’oie qui cacarde, plus de poule qui caquette et plus de cocorico. Ils respiraient enfin.
Le lendemain matin, l’homme retourna en courant chez le sage.
- Très cher sage, s’écria-t-il, grâce à vous, la vie est belle. Maintenant que nous sommes entre nous, la maison est si vaste, si calme et si tranquille… Un vrai paradis !