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Catherine

Agir avec le cœur

Un brave jardinier vivait heureux entre les murs d’un palais.

Le roi lui avait confié la tâche de s’occuper de ses jardins et de ses vergers. Le résultat était une véritable merveille car dans les parterres, tout poussait à foison : les roses, les fruits, les légumes et même les arbres. Il faut dire que l’homme ne se contentait pas de désherber les allées ou de griffer la terre. Il passait la majeure partie de son temps à parler aux jeunes pousses, aux feuilles tendres, aux pétales parfumés, aux branches délicates et aux bourgeons naissants.

De très loin, on venait voir cet Éden prodigieux où tout n'était que profusion. Le jardinier ne manquait jamais une occasion de gratifier ses visiteurs d’une simple bouture ou d’une rose voluptueuse et son aura était si grande qu’on finit par le solliciter, lui, et oublier le roi.

Ce dernier en prit ombrage et sa colère grandissait. Il maudissait cet adversaire qui lui avait ôté toute sa légitimité. Sa jalousie l’aveuglait et il ne se rendait même plus compte des bienfaits que lui apportait ce remarquable serviteur. La table du monarque était toujours fastueusement servie avec des denrées venues du potager et, partout dans le palais, les fleurs apportaient leur touche vive et colorée.

Voyant que les visites au jardin s’intensifiaient et que lui, se retrouvait de plus en plus seul, le roi finit par trouver cette situation insupportable et fit mander ses gardes. Il les enjoignit de s’emparer de son rival. La mort dans l’âme, les soldats obéirent et enfermèrent le malheureux dans la plus sombre geôle, sise entre de sinistres murailles.

Pourtant, même dans sa cruelle infortune, il continuait de parler aux êtres qui peuplaient son jardin. Le souverain, lui n’avait réglé aucun de ses problèmes car la foule continuait de se presser aux portes de la modeste demeure du jardinier, réclamant son bon sens et sa bonhomie.

Alors n’y tenant plus, le roi décida d’aller voir par lui-même ce qui se tramait dans les allées de son verger et de ses plantations. Avec surprise, il réalisa soudainement que tout était ratissé, désherbé, nettoyé et ce malgré l’absence du protecteur des lieux. Les arbres ployaient sous les fruits, les fleurs dégageaient un parfum enivrant, les légumes étaient bien verts et rien n’annonçait une quelconque disette, au contraire.

Derechef, il s’en retourna sur ses pas et alla aussitôt rendre visite à son prisonnier.

Il le questionna avec empressement :

- Comment se peut-il que le jardin soit si parfaitement entretenu alors que tu es absent ?

- Absent moi ? Détrompez-vous majesté ! répondit le jardinier qui ne semblait pas souffrir de son état. Je suis présent par l’esprit auprès de mes fleurs et de mes arbres. Car aucun barreau ne peut contraindre le cœur et l’enfermer.

Comprenant sa méprise, le roi réalisa que son humble sujet n’avait pas agi par orgueil mais par bienveillance, et le libéra.

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