Depuis les années 1970, le Nord du Burkina-Faso subi la désertification. Pourtant, Yacouba Sawadogo a mis au point un système simple et écologique pour y remédier. En quelques années, grâce à un procédé vertueux, il a fait émerger une forêt.
Le désert avance
Au Burkina-Faso, le désert avance dangereusement. Ainsi, dans la région du Nord, les longues sécheresses des années 1970 ont provoqué un désastre écologique sans précédent. Brousse ravagée, animaux décimés, pluies raréfiées… un lourd tribu pour les populations locales. Selon les données de l’Observatoire national de l’environnement et du développement durable, la région constitue l’une des trois zones du pays où la dégradation des sols est la plus forte. La situation est donc alarmante.
En tout, 74,1 % des 273 828 km² de terres du Burkina sont affectées par la désertification et la sécheresse. Or, face à ces aléas climatiques de nombreuses actions ont été entreprises avec divers résultats et le plus souvent sans succès. Pourtant, dans le village de Gourga, situé dans la commune de Ouahigouya, dans la province du Yatenga, au Nord du Burkina Faso, Yacouba Sawadogo, s’est mis en tête de stopper l’avancée du désert. Et ainsi transformer la vie de milliers de Sahéliens.
- Dès le début, j’étais convaincu que les terrains désertiques deviendraient un jour une forêt. Mais les villageois me traitaient de fou ! se souvient le cultivateur.
À moins de 200 km de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, Yacouba Sawadogo a réussi à faire pousser la forêt de Gourga dans une zone aride.
30 ans plus tard, c’est une forêt d’une quinzaine d’hectares qui sert de rempart au sable rampant du Sahel. Depuis, les habitants, qui avaient déserté, sont revenus cultiver leurs champs. Dans le même temps, des experts du monde entier se bousculent à la porte du paysan de 77 ans pour étudier sa méthode, pourtant toute simple.
La régénération naturelle assistée
Pour cela, il a eu recours à la régénération naturelle assistée.
- À la fin des années 1960, des prédicateurs ont annoncé que nous serions confrontés à une sécheresse sans pareille dans notre localité. Face à ce malheur à venir, j’ai décidé de laisser tomber mon commerce de pièces détachées pour me lancer dans l’agriculture. Afin de comprendre comment la nature se régénère, j’ai sillonné deux ans durant les terres de mon village. Souvent à pied, parfois à cheval.
Ainsi, au bout de ces deux ans de communion avec la terre lui est venue l’idée du zaï. Cette technique consiste à préparer le sol en saison sèche. Pour ce faire, il y creuse de petits trous qu’il emplit de déchets organiques.
Ces déchets attirent les termites, naturellement présentes dans cet environnement. En s’installant dans les petites cavités, les termites creusent des galeries, qui retiennent l’eau au moment de la saison des pluies. Il ne reste ensuite qu’à semer. Néanmoins, l’innovation ne s’arrête pas là. En effet, au fil des saisons, Yacouba Sawadogo est passé maître dans la technique du zaï. C’est désormais de la matière organique composée de compost ou de fumier associé à des tiges de mil concassé qu’il place dans ses petits trous. Et quand il plante, il ajoute aux graines pour son champ des semences d’arbres.
Après une quarantaine d’années de travail de récupération et d’ensemencement de graines d’arbre et d’herbe, Yacouba Sawadogo a ainsi créé une véritable forêt au milieu d’une brousse clairsemée. On y retrouve une soixantaine de plantes, de hautes herbes, des animaux, allant des oiseaux aux petits rongeurs.
Une technique qui fait des émules
L’expérience extraordinaire de Yacouba Sawadogo a fasciné jusqu’au réalisateur Mark Dodd, qui a produit le film L’homme qui a arrêté le désert. Le long-métrage a été projeté fin octobre 2016 lors de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification en Corée du Sud.
Enfin, cette forêt créée par L’homme qui arrête le désert constitue un véritable patrimoine écologique. Grâce à son efficacité dans la lutte contre l’avancée du désert, la RNA est en phase de vulgarisation dans les autres pays d’Afrique, notamment au sud du Sahara. En effet, peu coûteuse, elle est également simple à appliquer par les producteurs.