Nous sommes pétris de certitudes. Sur nous-mêmes, l’autre, l’Amour avec un grand A et le fonctionnement d’un ménage digne de ce nom. Ces croyances, pas toujours conscientes, nous empêchent d’être le conjoint ou la compagne que nous avons envie d’incarner. Véritables pièges, elles sont des sources d’insatisfaction ou d’inhibition pour chacun des partenaires, et des obstacles pour le couple. Non seulement elles sabotent celui que nous formons aujourd’hui, mais elles sont probablement à l’origine de nos difficultés sentimentales d’hier, et elles vont probablement gâcher nos futures amours si nous ne les mettons pas à jour. Mieux comprendre les schémas dans lesquels nous nous trouvons enfermés permet de nous en libérer. Plutôt que de rompre avec notre partenaire, au risque de nous retrouver dans les mêmes impasses avec un autre, pourquoi ne pas rompre avec ces mythes ?
Le mythe de la bonne personne
Un jour, notre prince, notre princesse, viendra, à moins qu’il ou elle ne soit déjà là. Nous rêvons que cet autre devance nos désirs, nous comprenne à demi-mot. En restant bercés par ces illusions, nous prenons le risque de devenir passifs dans notre vie conjugale. Au moindre signe de mal-être ou de gêne, nous accuserons notre partenaire d’en être responsable. Nous passerons de relation en relation, dans l’attente vaine qu’une personne faite "pour nous" qui fasse "notre" bonheur. C’est délaisser le couple au profit de l’individu, et aimer non pas l’autre, mais nous-mêmes à travers un miroir narcissique. Pour construire une vie à deux, mieux vaut lui permettre d’être la bonne personne pour nous. Et travailler quotidiennement à être la bonne personne pour lui ou elle. Au lieu d’attendre, agissons !
Le mythe du développement personnel
Puisque les opposés s’attirent, nous attendons de notre "moitié", cet être complémentaire, qu’il ou elle nous permette d’évoluer. L’autre doit nous apporter ce qui nous manque, nous apprendre à nous affirmer ou à sourire davantage, telle la pièce manquante de notre puzzle. En choisissant un partenaire aux antipodes, nous lui confions pour mission de définir notre identité. La croyance opposée, "qui se ressemble s’assemble", s’appuie, elle, sur un besoin de sécurité, le désir d’être conforté ou rassuré.
Dans les deux cas, nous risquons de ne plus savoir qui nous sommes. D’un côté, la similitude nous empêche de déployer notre singularité, de l’autre, les différences, souvent séduisantes au début, mènent à des tensions, des incompréhensions. Déçus, nous repartons en quête d’une pièce de puzzle plus conforme. L’antidote ? Mieux nous connaître nous-mêmes, parfois grâce à notre partenaire, parfois indépendamment de la relation.
Le mythe de la passion à tout prix
Des papillons dans le ventre et des étincelles dans les yeux, voilà ce que nous voulons. Nous confondons l’amour et le désir, notamment sexuel, convaincus que, si ce dernier se dissipe, nous ne sommes plus amoureux. Jusqu’à ce qu’une nouvelle rencontre réveille nos ardeurs. Pourtant, la passion, qui est une émotion fluctuante, n’est en soi ni bonne ni mauvaise. C’est ce que nous allons en faire qui s’avérera destructeur ou constructif. De la même façon que notre colère ne légitime pas notre énervement à l’encontre de l’autre, notre perte de désir ne justifie pas nos choix. Alors que nous parvenons à faire cohabiter nos différentes passions (pour la nature, l’informatique, notre rôle parental, la danse…), pourquoi l’ivresse amoureuse devrait-elle dicter notre vie ? Nous restons libres de la transformer en ce que nous voulons.
Le mythe du super-héros
Grâce à nous, il ou elle va changer, c’est sûr. Ce qui nous a attirés, c’est aussi son défaut ou sa faiblesse, cette occasion en or de nous valoriser. Nous, super-héros des temps modernes, allons sauver ou faire progresser notre partenaire. L’intention est belle, bien qu’un peu fantasmée, et cela fonctionne au début. Mais, avec le temps, notre conjoint peut perdre son identité, son estime et sa confiance en soi. Nous-mêmes prenons un risque : si notre âme sœur change, nous voilà désœuvrés ; et si elle ne change pas, c’est qu’elle ne nous aime pas assez. Impuissants et trahis, nous préférons retourner à notre liberté. Alors, sommes-nous prêts à vivre avec son défaut ? Ou continuons-nous d’espérer que la situation évolue en notre faveur ? C’est en étant capables de nous engager en acceptant l’autre dans sa singularité que nos ressources seront plus solides.
Le mythe de l’harmonie
Parce que la vie se doit d’être un long fleuve tranquille, nous fuyons la confrontation, évitons tout désaccord susceptible de réveiller un sentiment d’injustice. Nous faisons taire la petite voix intérieure qui s’oppose, la jugeant dangereuse pour la pérennité de notre couple. Pourtant, la colère, la peur ou la tristesse révèlent toujours quelque chose qui mérite d’être entendu. Si nous ne cherchons pas à en comprendre l’origine, nous risquons de nous effacer. Et de craquer le jour où la coupe sera pleine. En échappant au conflit, nous nous épargnons un moment désagréable, mais nous nous privons d’échanges profonds. Sentir que l’autre écoute notre point de vue, le prend en considération, nous fait assez confiance pour se permettre d’exprimer le sien et cherche une solution commune satisfaisante est une expérience structurante qui renforcera notre engagement.