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Catherine

Changer, oui, mais… quand, comment et quoi ?

Échecs répétés, envie de progresser, situation nouvelle : il y a des moments dans la vie où il nous faut changer. Modifier en profondeur sa façon d'être, c'est possible et cela s'apprend. Mais mieux vaut procéder par petites touches.


Nous changeons sans cesse à mesure que le temps et l'expérience modifient peu à peu notre corps et notre façon d'être. La question n'est pas de savoir si nous changeons, c'est une évidence. Demandons-nous plutôt : à côté des changements que nous subissons malgré nous, du fait de l'environnement et du temps, dans quelle mesure sommes-nous libres de changer ? Avons-nous le choix d'évoluer dans le sens que nous jugeons souhaitable ?


L'homme possède une marge de manœuvre pour changer volontairement, mais il faut reconnaître qu'elle est étroite. Un comportement, c'est une façon d'agir, de penser et de se sentir dans une situation donnée. Changer, c'est apprendre de nouveaux comportements, mieux adaptés, et abandonner les anciens devenus inutiles ou nuisibles. Ce sont les lois de l'apprentissage qui régissent l'apparition, le maintien et la disparition des comportements. Les respecter est la façon la plus efficace de favoriser le changement. Nous allons voir comment faire. C'est ce qui se passe (ou devrait se passer) dans l'enseignement, dans la formation professionnelle, dans l'entraînement sportif et... dans la vie de tous les jours.


Changer, cela s'apprend


Comme ces pratiques, la psychothérapie est une école du changement. Le travail du psychothérapeute consiste à aider les personnes qui le consultent à changer leur manière d'agir et de réagir. Prenons l'exemple d'un patient qui souffre de dépression. On peut considérer qu'il a "appris", à un certain moment de sa vie, à faire des choses qu'il ne savait pas faire auparavant : voir tout en noir, ne plus accorder d'intérêt et de valeur à la vie qu'il mène, à ses activités, son travail, ses loisirs, et parfois jusqu'à lui-même. Cette personne a aussi "appris" à délaisser des activités qu'elle accomplissait auparavant avec plaisir dans sa vie personnelle et professionnelle : sortir prendre un verre avec des amis, aller au cinéma, jouer au tennis… Dans cette situation, le psychothérapeute joue le rôle d'un moniteur qui guide son patient dans le "réapprentissage" des activités abandonnées, et pour qu'il voie sa situation sous un jour plus réaliste, moins noir.


Parmi les écoles de psychothérapie, c'est la thérapie comportementale et cognitive qui s'est le plus intéressée au processus du changement, notamment en s'appuyant explicitement sur les lois de l'apprentissage. C'est probablement ce qui explique son efficacité dans le traitement des troubles psychiques. Dans un premier temps, la thérapie s'est attachée à aider les sujets à modifier leur comportement, leur manière d'agir. Dans un deuxième temps, l'intérêt s'est porté sur la dimension cognitive des comportements problématiques, c'est-à-dire ce que se dit le sujet lorsqu'il est face à son problème.


On s'est en effet rendu compte que le discours que les sujets tiennent sur eux-mêmes est modifié dans les situations problématiques (par exemple, le dépressif tient un discours négatif sur lui-même). Ces "distorsions cognitives" sont comme des erreurs d'optique qui aggravent le problème. La thérapie comportementale et cognitive s'intéresse également à la troisième dimension du comportement, celle des sensations et des émotions. Les deux premiers courants sont maintenant parfaitement intégrés l'un à l'autre, et leurs effets thérapeutiques solidement validés. Le troisième est en devenir, il rassemble des techniques issues d'horizons divers, y compris la méditation.


Les lois du changement ne s'adressent pas seulement aux problèmes rencontrés dans l'enseignement, la formation ou la psychothérapie. Elles s'étendent à tous les aspects du comportement. Pour avancer dans notre vie, nous utilisons la plupart du temps les principes du changement de manière intuitive, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir. Dans nos relations avec les autres, dans notre vie sentimentale et sexuelle, dans nos études, dans notre vie professionnelle, nous progressons en intégrant peu à peu de nouveaux comportements au détriment d'autres que nous abandonnons parce qu'ils ont fait leur temps. Si nous ne parvenons pas à opérer le changement désiré, rien ne nous empêche de suivre de manière méthodique la technique utilisée en thérapie comportementale et cognitive.


Ainsi, nous pouvons l'appliquer à de nombreux problèmes de notre vie quotidienne : stress, insomnie, peur de prendre l'avion… sans l'aide d'un psychothérapeute. Alors, quand changer, que changer, comment changer ?


Identifier les problèmes


Quand changer ? Il y a trois situations dans lesquelles un changement s'impose ou doit au moins être pris en considération : lorsque nous constatons que quelque chose ne va vraiment pas, face à une situation nouvelle ou encore lorsque nous nous rendons compte que nos réactions habituelles sont inadaptées.


Dans le premier cas, nous souhaitons remplacer le négatif par du positif. Par exemple, nous voulons sortir d'une situation d'échec répété dans notre vie sentimentale ou professionnelle. Nous sommes face à un problème qui dure sans parvenir à le résoudre comme un conflit au travail ou dans notre vie personnelle, ou dans l'incapacité de franchir une étape importante. Quand nous ne pouvons nous empêcher d'avoir un comportement inutile ou néfaste, comme être dépendants à l'alcool, à la nourriture ou à Internet. Lorsque nous sommes trop timides, lorsque nous craignons les endroits surpeuplés…


La deuxième situation où un changement doit être envisagé est celle où nous voulons nous épanouir davantage, progresser dans notre vie professionnelle, nos loisirs (par exemple, dans une activité sportive ou artistique), être plus à l'aise dans nos relations personnelles… Ce champ du développement personnel a pris une ampleur sans précédent ces dernières décennies depuis que les besoins vitaux (se vêtir, se nourrir et nourrir sa famille, avoir un toit, se déplacer) sont satisfaits pour la plupart des gens.


Le troisième cas de figure est celui de la situation nouvelle qui nous prend de court et face à laquelle nos comportements habituels ne sont pas de mise. Perte d'un emploi, maladie grave qui se déclare subitement, décès d'un être cher. Notons que la situation nouvelle peut être positive et néanmoins représenter un défi dépassant nos capacités d'adaptation : mariage, promotion professionnelle importante… On nomme "situation de crise" un contexte qui, par son ampleur et sa nouveauté, déborde nos facultés habituelles d'adaptation. La crise exige un changement d'attitude. Mais même des situations imprévues ou nouvelles de moindre ampleur appellent parfois un aménagement de notre façon de gérer la situation.


Il y a 2 000 ans déjà, le philosophe grec Épictète le proclamait : il y a des choses qui dépendent de nous, et d'autres non. Rien ne sert de vouloir changer ce qui ne dépend pas de nous, c'est peine perdue. Parmi les choses qui ne reposent pas sur nos épaules, il y a en premier lieu le comportement des autres, y compris l'opinion qu'ils ont de nous.


Si nous comptons améliorer notre situation en changeant quelqu'un d'autre, notre conjoint, notre enfant, notre patron, notre employé, oublions cette espérance ! Nous ne réussirons qu'à nous mettre sous pression nous-mêmes ou à nous fâcher avec la personne que nous aimerions influencer. Concentrons-nous plutôt sur ce qui dépend de nous, car c'est sur cela, et seulement cela, que nous avons prise. Il s'agit de notre manière d'agir, de penser et de ressentir dans une situation donnée.


Modifier ce qui dépend de nous


Notre façon d'agir, ce sont les gestes que nous faisons dans la situation problématique, et que nous aimerions remplacer par d'autres, plus appropriés. Prenons l'exemple d'un garçon timide qui souffre de ne pas oser aborder une fille qui lui plaît. Lorsqu'il est en sa présence, que fait-il ? Il reste dans son coin, sans rien dire, au lieu d'aller vers elle et lui manifester son intérêt d'une manière ou d'une autre. C'est aussi simple que cela.


Notre façon de penser, la deuxième dimension du comportement, c'est ce que nous nous disons à nous-mêmes dans la situation que nous souhaitons changer. Dans notre exemple, si nous interrogeons le jeune homme, il nous répondra qu'il se dit : J'aimerais bien lui avouer qu'elle me plaît, mais je n'ose pas, car elle va se moquer de moi et je serai ridicule !


La troisième dimension du comportement est notre manière d'éprouver les choses, nos sensations. C'est ce que nous percevons par nos sens (la vue, l'ouïe, le toucher) et par les récepteurs qui nous informent sur l'état intérieur de notre corps (les battements du cœur, le rythme de la respiration…). Dans cette conception du comportement, les émotions sont des comportements particuliers, où la dimension sensorielle est très importante et domine sur les deux autres dimensions. Les émotions surviennent lorsque, à tort ou à raison, l'organisme "sent" qu'il existe un enjeu très important, peut-être vital. C'est la raison pour laquelle, dans les situations émotionnelles, le corps se mobilise (le cœur accélère, les muscles se tendent, la respiration se fait plus courte) et les sensations corporelles sont au premier plan du comportement. Le jeune homme timide confronté à celle pour qui il éprouve de l'attirance, mais qu'il n'ose aborder, nous concéderait qu'à cet instant il a très chaud au visage et dans le haut du corps, qu'il transpire, que son cœur bat fort, qu'il a la gorge et l'estomac noués.


Si ce garçon pense réellement que la jeune fille va se moquer de lui et qu'il sera ridicule, il est compréhensible qu'il ressente toutes les sensations désagréables de stress mentionnées, et qu'il préfère rester dans son coin et ne pas l'aborder. Nous pouvons donc nous représenter les trois dimensions du comportement comme réunies dans une boule de neige : chaque dimension se répercute sur les deux autres et les amplifie.


Le modèle de la boule de neige décompose le comportement en éléments plus simples, sur lesquels il est possible d'intervenir pour les modifier, alors qu'un comportement est souvent trop complexe pour que nous puissions le modifier directement. Ce modèle permet aussi de comprendre pourquoi en agissant sur l'un des trois éléments, nous changeons aussi les deux autres. Il n'est pas forcément nécessaire de transformer les trois dimensions du comportement pour qu'un changement global s'opère.


Ainsi, dans le cas du jeune homme timide, imaginons qu'il essaie de remplacer ses pensées pessimistes par des pensées moins catastrophiques : Si je l'aborde, peut-être qu'elle me dira qu'elle n'est pas attirée par moi. Elle en a le droit, mais au moins j'aurai tenté ma chance, et je n'aurai rien perdu par rapport à ma situation présente. Et si par chance elle ne me rejette pas, alors j'aurai beaucoup gagné !


Si notre jeune homme réussit à se tenir ce discours, il y a des chances que cela l'encourage à franchir le pas et à aborder la jeune fille. Mais il pourrait aussi chercher à modifier ses sensations, apprendre à se détendre, à surmonter ses réactions physiques déplaisantes. Il se sentirait alors mieux et plus prêt à se lancer. Enfin, il est concevable qu'il essaie d'agir sur sa manière de faire, par exemple en prenant conseil auprès d'un ami ou d'un frère pour savoir comment se comporter devant la fille, et préparer quelques mots à lui dire. Dans ce cas, s'il passe à l'action, ses pensées seront rapidement mises à l'épreuve de la réalité. Son scénario catastrophe sera probablement désamorcé, du moins dans sa partie la plus difficile (Elle me rejettera et je serai ridicule) et cela entraînera un soulagement de ses sensations physiques pénibles. Les trois dimensions du comportement sont donc liées.


Pour désapprendre un comportement devenu inutile, il ne faut plus le pratiquer et il s'éteindra progressivement. Facile à dire, plus compliqué à mettre en œuvre, tout comme acquérir un nouveau comportement… Pour ce faire, on peut dire qu'il existe deux voies qui se complètent harmonieusement et que l'on emprunte généralement à tour de rôle. Le premier chemin s'appellerait "faire avec", le second "faire autrement".


"Faire avec", c'est s'habituer à une situation nouvelle en s'y exposant de façon répétée. Dans ce mode de changement, un comportement ancien est appliqué à une situation nouvelle. L'enfant a appris à marcher, à avancer sur ses deux jambes tout en gardant l'équilibre. Par la suite, il est capable d'étendre ce comportement à d'autres situations, en l'adaptant au contexte nouveau. C'est ainsi qu'il apprend à faire du vélo, à nager, à escalader une paroi rocheuse…


"Faire avec" ou "faire autrement" ?


L'habituation est à la base de l'apprentissage des comportements moteurs (dans le sport, les arts, la technique), de celui des langues et des autres connaissances, et finalement de la plupart des comportements de la vie quotidienne. Dans tous ces domaines, nous commençons par acquérir une certaine maîtrise dans un milieu donné, puis de proche en proche nous transposons cette maîtrise apprise à des situations de plus en plus éloignées du contexte où elle a été initialement acquise. S'exposer au contexte nouveau de manière répétée, autrement dit "faire avec", au lieu de l'éviter, permet d'assimiler progressivement le comportement nouveau, qu'il s'agisse de parler l'anglais, jouer du piano, embrasser une fille ou se présenter à un employeur. L'habituation s'applique aux trois composantes du comportement.


Ainsi, nous l'utilisons pour consolider une nouvelle façon d'agir en la répétant jusqu'à ce qu'elle devienne une nouvelle habitude. Si une personne a très peur de prendre la parole en public pour présenter un projet important, elle peut commencer sur des sujets moins importants et devant des amis, puis en petit comité. Ou, pour le garçon que nous évoquions, avant d'envisager de s'adresser à une fille, il pourrait dans un premier temps prendre la parole spontanément devant ses amis, devant sa classe, s'adresser à des filles qui ne l'intéressent pas, avant d'aborder celle qui lui plaît.


Ensuite, l'habituation s'applique à la façon de penser. Nous pouvons y recourir pour atténuer l'effet de pensées ou de sensations déplaisantes. Qui n'est pas parfois envahi par des pensées pénibles qu'il est impossible de chasser : Mon ami va me quitter ; Je vais perdre mon emploi, etc. ? Dans cette situation, au lieu de chercher à éviter la pensée pénible, nous pouvons nous y exposer délibérément. En imaginant souvent notre scénario catastrophe, nous constatons que, peu à peu, l'effet pénible s'estompe. La pensée est toujours là, mais elle ne provoque plus l'anxiété ou la détresse antérieure. Nous nous y sommes habitués.


Enfin, l'habituation s'applique aux sensations. En nous arrangeant pour provoquer volontairement des sensations déplaisantes ou difficiles à gérer, nous nous y habituons, de sorte qu'elles perdent de leur intensité. L'entraînement, qu'il soit sportif, technique, professionnel ou artistique, repose sur ce principe. Nous pouvons aussi nous entraîner aux comportements de la vie quotidienne qui provoquent chez nous des sensations désagréables.


Une clé : savoir innover


À peu près à la même époque où Pavlov découvrait l'apprentissage par l'exposition, un psychologue décrivait un autre mode d'apprentissage : la recherche d'autres voies que celles offertes par le comportement actuel d'une personne. "Faire avec", c'est maîtriser une situation nouvelle avec les moyens anciens. "Faire autrement", c'est chercher des comportements nouveaux, plus adaptés ou plus efficaces.


La nouveauté du comportement peut concerner la manière d'agir, celle de penser ou encore celle de ressentir. Nous innovons au travail en trouvant de nouvelles façons de faire. La thérapie cognitive consiste à appliquer le "faire autrement" à la manière de penser, en s'efforçant de voir les choses autrement.


Il est possible aussi, dans une certaine mesure, de remplacer des sensations inutiles et déplaisantes par de nouvelles. La relaxation et la méditation permettent de changer les sensations intérieures. Modifier notre apparence (changer de coiffure, de style vestimentaire) ou notre environnement (changer la place des meubles ou la décoration des murs) est une façon simple de changer nos sensations. Cela suffit parfois pour nous faire voir la vie autrement et nous donner une énergie nouvelle.


Il y a cependant quelques précautions à prendre pour augmenter nos chances de succès dans l'entreprise du changement. La première est de se fixer un objectif précis et concret. Cela commence par définir le comportement à éliminer (ou à réduire) et celui à acquérir (ou à augmenter). Le but à atteindre ne doit pas être vague ou abstrait, mais concret : "mincir" devient "manger moins et bouger plus".


Détail important : le problème doit être énoncé à la première personne, car nous ne pouvons changer que notre propre comportement. Mieux vaut se dire "Je suis trop timide" que "Les filles ne s'intéressent pas à moi". L'objectif doit être réaliste. Ayons comme but une évolution à petits pas plutôt qu'une révolution. Changer notre manière d'agir, de penser ou de sentir est donc une démarche concrète, méthodique, réaliste. Mais il s'agit toujours d'un effort patient, où c'est une lime qu'il faut utiliser plutôt que de la dynamite. Il y a des moments où c'est difficile, où il faut "suivre sa pente en montant" selon Gide. Et si nous avons le sentiment de ne pas y arriver seuls, n'oublions pas qu'il est toujours possible d'avoir de l'aide, auprès de notre entourage ou d'un professionnel.

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