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Catherine

Confiance

Un fidèle de Vishnou se désolait de n'avoir pas d'enfant. Il pria, jeûna, accomplit une longue ascèse. Puis, les bras chargés de fleurs, de fruits et d'encens, vint se jeter aux pieds du sage Nârada.

- Ô Nârada fils de Brahmâ, pouvez-vous prier Dieu pour mon épouse et moi, afin qu'il nous bénisse et nous accorde un fils ?

Nârada partit aussitôt pour Vaikuntha, la demeure des dieux, afin de transmettre sans tarder cette requête à Vishnou :

- Ô Seigneur qui protège le monde, quand accorderas-tu un enfant à ton fidèle serviteur et son épouse ?

- Le destin de ce couple n'est pas d'être parents, ils n'auront pas d'enfants en cette vie.

La nouvelle attrista le sage, une grande compassion l'envahit. Il avait senti combien ce couple rêvait d'enfants et savait que seul un fils peut accomplir les rites funéraires pour éviter la douloureuse errance entre les mondes. Il murmura :

- Oh, Seigneur, bénissez ces pauvres gens.

Par chance, ni le fidèle de Vishnou ni son épouse n'attendaient de lui la réponse divine. Il n'aurait pas su comment leur asséner la terrible vérité. Il évita donc de passer près de chez eux pendant de longues années, ne sachant quoi répondre à leur tourment.

Un jour cependant, il fut contraint d'emprunter ce chemin-là. Comme il atteignait leur maison, il entendit des rires d'enfants dans le jardin. Il jeta un coup d’œil par-dessus le muret, vit la femme allaitait un nourrisson tandis qu'une fillette et son frère aîné jouaient autour d'elle.

Il était inutile de demander si le bébé était celui de la femme. D'où lui serait monté, sinon, ce lait que l'enfant savourait ?

Décidé à comprendre, il poussa le portillon, entra dans le jardin, bénit ceux qui y séjournaient et salua l'épouse.

- Mère, dites-moi, tous ces enfants sont vôtres ?

- Oui, Maître, comment vous remercier ?

- Me remercier, moi ?

- Oui, sans vos prières ils ne seraient pas nés.

Nârada crut rêver. Il imagina un instant que l'époux était mort, qu'elle était remariée. Mais il savait combien le remariage d'une veuve est improbable.

Comme il se perdait en conjectures, l'époux franchit le seuil de la maison. C'était toujours le même homme, fidèle de Vishnou, qui était venu le voir plusieurs années auparavant avec son épouse.

Nârada fut reçu avec dévotion par ces braves gens. Il dîna parmi eux. Quand il partit, chacun lui toucha humblement les pieds.

Il s'en fut droit devant Vishnou.

- Seigneur, je suis outré ! Comment pouvez-vous mentir ?

- Mentir ? Voyons Nârada, clarifie ta pensée. D'où te viens ce ressentiment ?

- Il y a quelques années, souvenez-vous, Seigneur, je suis venu vous demander d'accorder enfin un enfant à un couple de vos fidèles, parmi les plus sincères. Vous m'avez répondu que le destin de cet homme et de sa femme n'était pas d'être parent, qu'ils n'auraient pas d'enfants en cette vie. Je sors à l'instant de chez eux : ils sont parents de trois beaux enfants !

Vishnou riait.

- C'est sûrement la bénédiction d'un saint. Leur destin, en effet, était ce que j'ai dit. Mais il est vrai aussi qu'une pure prière peut détourner d'un être une flèche imparable. Ne sais-tu pas, Nârada, que seuls les saints peuvent modifier le destin ? As-tu oublié comme tu les as bénis ?

Confiance

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