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Catherine

Dialogue avec l'ange

Quand il y a la vie, il y a la mort, dit l’ange. Il y a le chagrin et la joie ; il y a le bonheur et la souffrance, le feu et la cendre. Et il y a la lumière et l’ombre, l’ombre et la lumière. Toujours. Alors  ?


- Regarde , dit l’ange.


L’homme et lui se tenaient devant un vaste espace sans contours, une plaine peut-être, sans vent ni couleur, sans pluie ni chant d’oiseaux. Autour d’eux, pas un son, pas un arbre ni une pierre.


- Regarde , répéta l’ange. Il tendit le bras et un filet d’or, une corde de lumière apparut. Elle scintillait à son début puis disparaissait vers l’horizon, perdant son éclat, se fondant dans l’obscurité.


-Vois, reprit l’ange, quand il y a la vie, il y a la mort. Alors  ? 


L’homme resta d’abord silencieux  ; peut-être devait-il apprendre à former les mots  ; peut-être que rien n’existait encore dans son cœur, juste un creux, une faim, une étincelle. Il suivit des yeux le reflet doré aussi loin qu’il le put ; peut-être apprit-il à ce moment ici et là-bas , et encore maintenant et plus tard , il pressentit l’espace et le temps, le passé et l’avenir. Il ouvrit la bouche et dit :

- Oui. 


Une autre corde d’or, elle aussi allant s’obscurcissant, apparut :

- Quand il y a amour, il y a souffrance.

- Oui, acquiesça l’homme.


- Quand il y a vérité, il y a erreur.

- Oui.


- Quand il y a le jour, il y a la nuit.

- Oui.


- Quand il y a bonheur, il y a chagrin.

- Oui.


- Quand il y a le feu, il y a la cendre.

- Oui. 


À chaque parole de l’ange, les cordes étincelantes apparaissaient, mirages de beauté dont l’éclat rendait pourtant l’obscurité encore plus sombre. Et toujours la plaine, sans un souffle, sans une trace.


L’ange reprit :

- Il y a la mort, et il y a la vie.

- Oui.


- Il y a la souffrance, il y a l’amour. Il y a l’erreur et il y a la vérité. Il y a la nuit et il y a le jour et il y a le chagrin et il y a le bonheur. Il y a la cendre et il y a le feu.


L’homme restait silencieux.

-  Regarde bien, insista l’ange. Il y aura la lumière et l’ombre, l’ombre et la lumière. Toujours.

- Oui, répondit l’homme.


- Alors ? demanda l’ange.


Et l’homme se redressa . Son visage n’était plus lisse mais griffé au coin des yeux de toutes les petites rides de la joie et de la fatigue et marqué au coin des lèvres des plis des larmes et du sourire. Il se tint debout, regarda autour de lui, prit sa première inspiration :

- Oui. Je comprends. J’accepte. J’accepte tout. 


Et son cœur à ces mots s’emplit de toutes les joies et de tous les chagrins : de ces joies minuscules, aussi ravissantes qu’une menotte de nouveau-né et de ces joies immenses qui coupent le souffle et font vaciller les montagnes . Il connut tous les chagrins, ceux qui nous creusent, ceux qui nous écrasent et ceux qui rayent notre cœur comme le diamant. Il connut l’espoir et la fin de l’espoir ; il connut l’hiver et sa morsure et l’obscurité et l’angoisse, et il vit la fraîcheur du printemps et l’éclat de rire du soleil. Il entra dans l’extase, oublieux de lui-même et s’enferma dans la douleur, oublieux des autres. Et il fit un pas, un autre et s’éloigna vers la lumière, et vers l’obscurité.

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