Autrefois, il y avait un moine qui réfléchissait et méditait sur les quatorze questions difficiles telles que le monde et le moi sont-ils éternels ou non éternels, sont-ils finis ou infinis, le sage existe-t-il ou n'existe-t-il pas après la mort ? etc. Il ne parvenait pas à pénétrer ces questions et il en éprouvait de l'impatience. Prenant son habit et son bol à aumônes, il se rendit auprès du Bouddha et lui dit :
- Si le Bouddha peut m'expliquer ces quatorze questions difficiles et satisfait mon intelligence, je demeurerai son disciple ; s'il ne parvient pas à me les expliquer, je chercherai une autre voie.
Le Bouddha répondit à ce fou :
- Au début, as-tu convenu avec moi que, si je t'expliquais les quatorze questions difficiles, tu serais mon disciple ?
Le moine répondit que non. Le Bouddha reprit :
- Fou que tu es ! Comment peux-tu dire aujourd'hui que, si je ne t'explique pas cela, tu ne seras plus mon disciple ? C'est pour les hommes atteints par la vieillesse, la maladie et la mort que je prêche la Loi afin de les sauver. Ces quatorze questions difficiles sont des sujets de dispute ; elles ne profitent pas à la Loi et ne sont que vaines discussions. Pourquoi me poser ces questions ? Si je te répondais, tu ne comprendrais pas ; arrivé à l'heure de la mort, tu n'aurais rien saisi et tu n'aurais pas pu te libérer de la naissance, de la vieillesse, de la maladie, et de la mort. Écoute cette histoire :
Un homme a été frappé d'une flèche empoisonnée ; ses parents et son entourage ont appelé un médecin pour extraire la flèche et appliquer un remède. Et le blessé de dire au médecin :
- Je ne permets pas que tu extraies la flèche avant que je sache quel est ton clan, ton nom, ta famille, ton village, tes père et mère et ton âge ; je veux savoir de quelle montagne provient la flèche, quelle est la nature de son bois et de ses plumes, qui a fabriqué la pointe de la flèche, et quel en est le fer ; ensuite je veux savoir si l'arc est en bois de montagne ou en corne d'animal ; enfin je veux savoir d'où provient le remède et quel est son nom. Après que j'aurai appris toutes ces choses, je te permettrai d'extraire la flèche et d'appliquer le remède.
Le Bouddha demanda au moine :
- Cet homme pourra-t-il connaître toutes ces choses et, après seulement, laisser enlever la flèche ?
Le moine répondit :
- L'homme ne parviendra pas à savoir cela, car s'il attendait de tout savoir, il serait mort avant l'opération.
Le Bouddha reprit :
- Tu es comme lui : la flèche des vues fausses, enduite du poison du désir et de la convoitise, a percé ton esprit ; je veux t'arracher cette flèche, à toi qui es mon disciple ; mais toi, tu refuses que je te l'enlève et tu veux chercher à savoir si le monde est éternel ou non éternel, fini ou non fini, etc. Tu ne trouveras pas ce que tu cherches, mais tu perdras la vie de sagesse ; tu mourras comme un animal et tu seras précipité dans les ténèbres.
Le moine, peu à peu, comprit à fond les paroles du Bouddha et il obtint la Voie.
L'homme blessé par la flèche