Le Bodhisattva était un ascète détaché des choses de ce monde. Il demeurait constamment dans les régions désertes des montagnes, il s'appliquait uniquement à méditer sur la sagesse et ne commettait aucun des actes mauvais. Il mangeait des fruits, buvait de l'eau et ne mettait absolument rien en réserve. Il songeait avec bienveillance à tous les êtres vivants qui, par leur ignorance et leur folie, se perdent ; chaque fois qu'il voyait l'un d'eux en péril, il sacrifiait sa vie pour le sauver.
Un jour qu'il était allé chercher des fruits, il rencontra sur son chemin une tigresse qui allaitait ses petits. Après qu'elle eut allaité, elle fut très épuisée et n'eut rien à manger ; affolée par la faim, elle voulut revenir dévorer ses propres petits. En voyant cela, le Bodhisattva fut ému de pitié ; il songea avec compassion à tous les êtres vivants qui endurent pendant leur séjour dans le monde des souffrances infinies ; qu'une mère et ses petits s'entre-dévorassent, il en éprouvait une douleur inexprimable ; sanglotant et versant des larmes, il se tournait et regardait de tous côtés pour chercher ce qui pourrait nourri la tigresse et sauver ainsi la vie de ses petits, mais il ne vit absolument rien.
Il pensa alors en lui-même :
- Le tigre est un animal qui mange de la chair.
Puis en réfléchissant profondément, il ajouta :
- Si j'ai formé la résolution d'étudier la sagesse, c'est uniquement en vue du bien de tous les êtres vivants ; ils se perdent dans de terribles souffrances et j'ai voulu les sauver, faire en sorte qu'ils obtiennent le bonheur et que leur vie soit perpétuellement tranquille. Pour moi, quand plus tard je mourrai de vieillesse, l'agrégat de mon corps devra être abandonné ; mieux vaut donc faire don avec bienveillance afin de secourir les autres êtres et d'accomplir acte de vertu.
Sur ce, il se jeta la tête la première dans la gueule du tigre ; s'il lui présenta sa tête, c'est parce qu'il désirait faire en sorte qu'il mourût promptement et qu'il ne s'aperçût pas de la souffrance. La tigresse et ses petits furent ainsi tous sauvés.
Tous les Bouddhas louèrent la vertu du Bodhisattva et son mérite pour lequel il égalait les plus grands saints. Tous les êtres qui sont doués de sagesse furent émus ; ils conçurent l'esprit d'éveil et firent le vœu de rester dans ce monde d'impuretés afin de guider les dieux et les hommes, de sauver les êtres pervers et de ramener les êtres égarés à la sagesse.