Une femme, un jour, manquant de sel, envoya son fils en chercher auprès de leurs voisins. L'enfant frappa à une première porte. Toutefois, quand il fit part de l'objet de sa visite, aussitôt, on lui montra un pot vide, symbole de leur infortune commune.
Loin de se décourager, le jeune garçon frappa à une deuxième porte. On le reçut avec amabilité mais, à sa demande, on lui rétorqua que le sel se faisait de plus en plus rare. Pour preuve, eux même n'en possédait plus que quelques traces au fond d'une écuelle.
L'enfant fit le tour du village, n'essuyant que des refus, même de la part de personnes bien approvisionnées, et finit par rentrer bredouille de son expédition. Il fit part à sa mère de ses déboires successifs, sans éprouver, toutefois, la moindre amertume. Cependant, demeuraient en lui deux interrogations qu'il transmis à sa mère :
- Le sel est-il si rare pour que tous en possèdent si peu, voire pas du tout ? Et ceux qui en ont, pourquoi ont-ils tant de mal à en donner ?
La mère écouta attentivement son fils mais garda le silence. Le lendemain matin, dès l'aube, réveillant son enfant, elle le pressa de s'habiller, de prendre un petit baluchon car ils allaient entreprendre un long voyage. Effectivement, ils marchèrent pendant un temps infini, escaladant des montagnes hostiles, traversant des plaines désertiques. Et un jour, elle fut là, la mer immense. Pour la première fois de sa vie, l'enfant découvrit un horizon vaste et illimité mais il eut peu de loisir pour s'extasier. Sa mère lui indiqua au loin des marais salants où des monceaux de sel séchaient au soleil.
A son fils émerveillé, elle déclara :
- Vois combien la nature est généreuse avec l'homme. Le sel, ici, est en abondance et offert à tous. Pour le trouver, il suffit de cheminer jusqu'à lui.
La femme avait emporté avec elle des petits paniers qu'ils purent remplir à ras bord. Puis, joyeusement, tous deux reprirent le chemin du retour. Arrivés au village, ils partagèrent équitablement entre tous le fruit de leur cueillette.
A son fils qui s'étonnait de son attitude, elle dit :
- Vois-tu, si ces gens n'ont pas pu donner, c'est qu'ils n'ont jamais reçu. A nous de montrer la voie, afin qu'un jour ils puissent donner à leur tour.