Dans un monastère vivait un vieux moine qui inspirait aux jeunes moines une terreur respectueuse car rien ne semblait pouvoir troubler sa sérénité.
Bien qu'il répétât à toute occasion qu'il n'y avait rien de mal dans une émotion, quelle qu'elle soit, à condition de ne pas se laisser emporter par elle, il restait calme et inaltérable. On ne pouvait ni l'irriter, ni l'effrayer, ni l'inquiéter.
Un matin d'hiver, alors que la nuit obscurcissait encore tous les couloirs du monastère, les jeunes moines s'assemblèrent silencieusement dans l'ombre. Le vieux moine, ce matin-là, devait apporter la tasse de thé rituelle jusqu'à l'autel.
A son passage, les moines jaillirent brusquement de l'obscurité comme des fantômes hurleurs.
Le vieil homme continua sa marche paisiblement, sans faux pas, sans tressaillement. Un peu plus loin dans le couloir se trouvait une petite table, il y posa doucement le thé, le couvrit d'un morceau de soie pour qu'aucune poussière ne pût y tomber.
Puis il s'appuya contre un mur et poussa un grand cri de frayeur.