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Catherine

Les pousses de bambou

Môzô, orphelin de père, vivait seul avec sa mère à qui il vouait une grande piété filiale. Employé aux travaux publics, c’était un scribe modèle qui calligraphiait à merveille, et chacun l’appréciait pour sa modestie et son zèle. Pendant ses heures de liberté, il courait la campagne afin de ramasser une espèce de bambou particulière, dont les pousses grosses et tendres constituent un mets raffiné. Sa mère en raffolait.


Il arriva un jour où sa mère ne put avaler un seul repas sans qu’il y eût en entrée des pousses fraîches de bambou. Le jeune homme courait les champs, les bois, l’hiver et l’été pour offrir à sa mère ses pousses de bambou préférées.

- Ah ! mon fils, disait-elle, si je ne pouvais manger mes pousses de bambou, moi qui n’ai plus goût à rien depuis la mort de votre père, je crois que je me laisserais mourir !


Et l'adolescent courait la campagne, explorait les champs, les prés, la lisière des forêts, et il rapportait tous les jours à sa mère les pousses de bambou qu’elle aimait.


Or, cette année-là, dans le royaume, l’hiver fut exceptionnellement rigoureux. La neige tomba en abondance. Le sol était gelé. Le fils courait plus que jamais par les champs et les bois, dénichant les pousses de bambou où nul autre que lui n’en aurait trouvé. Il en cueillait sous les congères, au creux des forêts, partout. Mais un soir, il revint chez lui les mains vides. Sa mère refusa de manger. Les jours suivants, le jeune homme rentra bredouille et désespéré :


- Mère, je fais de mon mieux, je cours du nord au sud, d’est en ouest, mais tant que cette neige persistera, je ne pourrai vous offrir les pousses de bambou que vous chérissez. Je vous en prie, consentez à manger.


Mais la mère ne répondait pas. Elle refusait de s’alimenter, elle ne buvait ni ne mangeait, et elle commença de dépérir. Le ciel était bleu, froid, implacable, et toute la campagne durcie sous la neige gelée. Alors, un matin, le jeune garçon désespéré se tourna vers le ciel :

- Depuis des années, se lamenta-t-il, matin et soir, du nord au sud, d’est en ouest, j’ai cherché partout les pousses de bambou. Pas un seul jour je n’ai manqué d’en apporter à ma mère, afin qu’elle ne meure, et aujourd’hui je ne puis en trouver. Il se tordait les mains, accablé, et il fixait le jardin devant la maison, et la neige froide, indifférente à son chagrin.


À ce moment, comme il était à genoux, implorant le ciel, il aperçut au milieu du tapis blanc trois pousses violettes perçant la neige. Trois pousses de bambou ! Il les cueillit et les apporta à sa mère. Celle-ci mangea et but, et fut sauvée. Depuis lors, ce bambou s’appelle au Japon comme en Chine le bambou Môzô. Il est le symbole de la piété filiale.

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