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Catherine

Mieux vivre sa relation amoureuse

La pratique régulière de la méditation de pleine conscience améliore la santé physique, le bien-être psychologique ou l’humeur, comme le montrent bon nombre d’études. En revanche, peu de travaux se sont penchés sur le lien entre pleine conscience et relations interpersonnelles. Encore moins s’agissant des relations amoureuses. On sait qu’une relation amoureuse est plus satisfaisante lorsque les partenaires sont capables d’accepter les défauts et imperfections de l’autre. Or, cette capacité d’acceptation est en lien étroit avec notre disposition à la pleine conscience.


Quels sont les ingrédients d’une relation amoureuse satisfaisante ? Qu’est-ce qui la rend stable ? Pourquoi dure-t-elle ou non dans le temps ? Pouvoir répondre de manière définitive à ces questions équivaudrait à trouver le secret permettant de transformer le plomb en or. Mais les relations amoureuses sont trop complexes et leur alchimie trop subtile pour se laisser enfermer dans une solution aussi abrupte. Pourtant, il est possible d'apporter des éléments de réponse à ces questions.


Qu’est-ce que la pleine conscience ?


Issue de la tradition et de la philosophie bouddhiste, la pleine conscience nous vient des États-Unis. Popularisé par Jon Kabat-Zinn, au début des années 1990, elle lui a été Inspiré par le moine bouddhiste Thích Nhất Hạnh, dont il a été l’élève. Il a développé un programme de réduction du stress basé sur la pleine conscience.


Les ingrédients de la pleine conscience


La pleine conscience se définit par un état de conscience où l’individu est entièrement attentif à ce qui se déroule dans l’instant présent, sans jugement porté sur ce qui arrive.


La pleine conscience est d’abord un trait de personnalité et tous les individus ne disposent pas du même niveau. Par ailleurs, cette disposition ne doit pas être confondue avec les pratiques qui visent à accroître cette pleine conscience (par la méditation par exemple).


Il faut y distinguer deux éléments : le premier est la capacité à se focaliser sur l’expérience présente, soit l’ensemble des émotions, sensations corporelles ou encore pensées qui surgissent spontanément. Le deuxième consiste en une approche distanciée et non "jugeante" de cette expérience. Soit une attitude d’acceptation, quelle que soit la valence, positive ou négative, de ce qui est vécu. Les études montrent les effets positifs de la pleine conscience sur un ensemble d’indicateurs de bien-être psychologique et de santé physique.


Alors que ces bienfaits ont été mis en évidence au niveau individuel, on peut s’interroger sur les bénéfices de cette pleine conscience au niveau interpersonnel, en particulier dans le cadre des relations amoureuses.


Pleine conscience et relation amoureuse


Trois facettes de la pleine conscience sont susceptibles d’avoir un impact sur le plan relationnel. Tout d’abord, il a été montré que l’entraînement à la pleine conscience permet d’accroître le contrôle exécutif et d’améliorer ses capacités d’autorégulation. Le contrôle exécutif est un ensemble de fonctions cognitives qui nous permettent d’inhiber des réponses automatiques et impulsives, en faveur de réponses plus en accord avec nos objectifs, nos buts, nos valeurs. Ainsi, la pleine conscience permet de déconnecter, d’être moins réactif et donc de pouvoir mieux gérer ses réponses comportementales.


D’autre part, la pleine conscience permet une meilleure régulation émotionnelle. Elle ne permet pas de chasser les émotions liées à des expériences négatives mais de reconnaître ces émotions, sans pour autant s’identifier à elles, ni être submergé par des pensées de détresse liées à ces émotions. Elle permet une mise à distance par rapport aux émotions.


Enfin, la pleine conscience est associée à une meilleure connexion interpersonnelle et un sentiment de plus grande proximité avec autrui et à une plus grande empathie à l’égard d’autrui. Elle permet ainsi une meilleure compréhension du comportement de l’autre.


La relation amoureuse dans la tempête


Les relations amoureuses sont des interactions régies par une causalité circulaire. Alors que nous percevons nos propres comportements comme des réactions face au comportement de l’autre, nous réalisons plus difficilement que l’autre réagit également à notre propre comportement. Or, la manière dont se déroule ce jeu de ping-pong comportemental détermine le bon ou mauvais fonctionnement d’une relation amoureuse.


Plus exactement, c’est en observant la manière dont il se déroule dans les situations critiques, les situations de conflit, de crise, qu’un diagnostic du fonctionnement de la relation amoureuse peut se faire. Les situations critiques ont lieu lorsque l’intérêt personnel d’un partenaire ne coïncide pas avec celui de l’autre, que les besoins d’un partenaire ne sont pas satisfaits. Vous avez par exemple prévu un dîner en tête-à-tête avec votre amoureux alors que ce dernier se faisait une joie d’aller voir un match de foot avec ses amis, ce qui a pour effet de générer une tension, puisque les besoins d’un des partenaires ne sera pas satisfait. Il peut également s’agir de situations qui font intervenir la jalousie d’un partenaire, où qui mettent en jeu des impulsions de revanche après un conflit.


Le risque des attentes idéalisées


Les partenaires amoureux doivent faire face à un autre défi, celui de la confrontation entre des attentes idéalisées et une réalité parfois décevante. En effet, la perfection n’étant pas de ce monde, notre partenaire amoureux revêt rarement les habits que notre idéal aimerait lui voir porter, tant au niveau de ses traits de caractère que de son comportement. Toujours trop ceci ou pas assez cela pour être l’homme ou la femme parfaite qu’on aurait rêvé de rencontrer. Toutefois, faire reposer l’évaluation du partenaire sur des critères idéalisés est extrêmement risqué. Sans pour autant remettre en question l’intégrité de la relation amoureuse, cela peut susciter des émotions négatives comme de l’irritation, de la déception ou de la colère.


Quel que soit le cas le cas de figure envisagé, le bon fonctionnement de la relation amoureuse repose sur la volonté et la capacité de chaque partenaire à transformer une impulsion initiale dirigée vers son intérêt propre en une réponse et un comportement qui tiennent compte de l’intérêt de l’autre partenaire et de la relation. Ce processus est appelé la "transformation de la motivation". Il consiste à renoncer à satisfaire son intérêt personnel immédiat pour privilégier celui de la relation amoureuse. Par exemple, renoncer au match de foot pour faire plaisir à sa conjointe ou reporter un dîner en tête-à-tête qui était prévu.


Deux stratégies peu efficaces


Une première manière de concilier idéalisation et réalité est de voir l’autre à travers les lunettes déformantes de la passion amoureuse. Plus nous sommes amoureux, plus notre seuil de tolérance est élevé, plus nous sommes capables d’accepter les imperfections de l’autre. Mais cela ne dure qu’un temps, et lorsque la passion amoureuse se tarit, la chute est parfois brutale.


Une autre stratégie peut consister à vouloir changer les imperfections de son partenaire. Il apparaît en effet que 90 % des personnes investies dans une relation amoureuse saine ont essayé de changer au moins un aspect de leur partenaire qui ne s’accordait pas à leurs attentes idéalisées. Ces tentatives de régulation sont souvent vouées à l’échec car non seulement elles ne conduisent à aucun changement effectif, mais elles contribuent à augmenter l’insatisfaction au sein du couple.


En focalisant l’attention sur les "défauts" du partenaire, ces tentatives de changement les rendent encore plus saillants, par un effet de loupe malheureux. Elles donnent alors au partenaire le sentiment d’être moins apprécié, à cause desdites imperfections. Plus encore, la pression exercée par un partenaire pour changer les imperfections de l’autre diminue le sentiment d’autonomie de ce dernier. Cela a pour conséquence de provoquer chez lui une forme de réactance qui non seulement rend le changement impossible, mais engendre également de la souffrance. En fin de compte, l’impact sur le fonctionnement du couple d’une stratégie de changement de l’autre est globalement négatif.


Accepter la différence


Plutôt que de vouloir changer son partenaire, il peut être plus efficace d’accepter qu’il ait des caractéristiques moins idéales qu’attendues. Ainsi, l’acceptation du partenaire peut être vue comme la capacité et la volonté de reconnaître les possibles imperfections de son partenaire sans que cela suscite un désir de les changer.


Pour autant, dans le cadre d’une relation amoureuse saine, l’acceptation ne suppose pas l’absence de sentiments négatifs, d’irritation vis-à-vis des imperfections de l’autre. Elle suppose de reconnaître la présence de ces imperfections et d’accepter que celles-ci puissent parfois engendrer des émotions négatives.


Applications cliniques


Dans la pratique clinique, un certain nombre de programmes basés sur la notion d’acceptation du partenaire, destinés aux couples en difficulté, ont vu le jour. L’objectif central de tous ces programmes est de conduire les partenaires de la relation à comprendre que les imperfections de l’autre sont normales et inévitables. Il s’agit également de leur faire prendre conscience que ce ne sont pas véritablement les imperfections de l’autre comme telles qui sont une source de détresse mais bien les réactions émotionnelles suscitées par l’attention portée à ces imperfections. Ces thérapies sont donc responsabilisantes et centrées sur l’acceptation pleine et entière de l’autre, avec ses défauts et ses imperfections. Elles ont par ailleurs montré leur efficacité dans l’amélioration de la relation amoureuse et du bien-être du couple.


Pleine conscience, acceptation et satisfaction dans la relation amoureuse


Ces thérapies mettent en œuvre des exercices qui s’adressent aux deux partenaires du couple. Une disposition à la pleine conscience d’un seul des partenaires peut apporter un bénéfice pour l’autre partenaire en favorisant sa meilleure acceptation, et permettant ainsi une relation amoureuse plus satisfaisante.


Des études sur l’association entre la pleine conscience, l’acceptation du partenaire et la satisfaction relationnelle au sein du couple ont confirmé le fait que la capacité d’un partenaire à accepter les défauts de l’autre était d’autant plus grande que sa disposition à la pleine conscience était importante. Elles ont également montré qu’une plus grande acceptation du partenaire était liée à une meilleure satisfaction de la relation amoureuse.


L’acceptation n’est pas la résignation


Alors, l’acceptation sauvera-t-elle du naufrage tout couple pris dans la tempête ? Rien n’est moins sûr : la ligne de partage est étroite entre l’acceptation du partenaire au sein d’une relation saine, source de satisfaction et de stabilité pour le couple et la résignation à tous les comportements du partenaire. Cette forme de résignation est bien souvent le signe d’une relation toxique. Ainsi, à force de trop accepter, on peut finir par perdre le sens de la limite et se retrouver piégé dans une relation abusive.


La pleine conscience pourrait-elle alors contribuer également à cela ? Au contraire, la pleine conscience pourrait au contraire permettre de prendre conscience de certains processus inconscients et automatiques. Ceux-là même qui conduisent à tolérer, justifier et rationaliser le comportement du partenaire dans les situations d’abus.



Tiré d'un article de JF. Lopez

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