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Catherine

Un jardin

Il était une fois un prêtre zen qui avait la responsabilité d'un petit temple, îlot de sérénité.


Passionné de jardinage, il soignait à l'infini les fleurs de lotus, les dessins sur le sable entre les rochers, les arbres et les bosquets. Il avait pour voisin un maître zen très âgé qui finissait ses jours dans un temple minuscule attenant au sien. En ces derniers jours du mois de mai, on annonça au prêtre jardinier que des personnes d'importance venues de la capitale souhaitaient visiter son petit temple et son célèbre jardin. Leur arrivée était prévue pour l'après-midi.


Aussitôt le prêtre se mit avec ardeur au travail. Il ratissa le sable, disposa avec goût et précision quelques feuilles d'arbre, donnant à l'ensemble cet air de simplicité, de subtil inachevé, d'éternité, qui est la marque d'un jardin zen. Enfin satisfait, il attendit de pied ferme ses illustres visiteurs.


À ce moment, son voisin, le très vieux maître zen, s'avança contre la grille :

- Quelle merveilleuse réalisation ! s'exclama-t-il. J'aimerais y apporter une touche finale.


Le prêtre, bien qu'un peu inquiet, ouvrit les portes. On ne peut manquer de respect à un maître zen, même très âgé et un peu bizarre. Alors, sur ses jambes hésitantes, le vieillard se dirigea au beau milieu du jardin. En quelques coups de râteau, il dispersa les feuilles disposées avec art, et brouilla sur le sable les figures que le prêtre avait passé toute la matinée à dessiner.


Furieux, ce dernier s'apprêtait à lui arracher le râteau des mains quand le maître tourna vers lui le regard lumineux de celui qui a passé la "porte sans porte", connu le Satori, et se situe désormais par-delà les apparences :

- Ton œuvre était parfaite, dit-il, mais tu n'étais pas détaché du fruit de ton action.

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